vendredi 28 décembre 2018

Le Sans Dieu (2017)

Chronique express!

L'année 2018 se termine sur une note négative avec Le Sans Dieu de Virginie Caillé-Bastide. À la base, j'ai découvert ce roman de la rentrée littéraire 2017 grâce à Oukoulou et je l'ai offert à mon copain, qui adore les pirates. Il n'a pas trop aimé mais j'ai souhaité le lire quand même.

Après vingt essais ratés, j'ai décidé d'abandonner tout espoir de prendre une photo rendant un minimum honneur à cette belle couverture. Source de l'image.

Outre le fait que le scénario comporte des éléments tirés par les cheveux et clichés (genre le lieutenant qui découvre qu'il est le fils de son capitaine...), l'histoire de l'Ombre, ce Breton devenu pirate pour fuir son quotidien où il a vu tous ses enfants mourir durant la famine de l'hiver 1709, est éminemment fastidieuse à cause de sa rédaction désuète et mal maîtrisée. C'était une bonne idée de vouloir rédiger "à l'ancienne", mais ça ne passe pas du tout. Dès les premières pages, croiser l'imparfait du subjonctif dans la bouche de manants illettrés du XVIIIe m'a laissée perplexe, et la chose ne s'est pas arrangée par la suite (un exemple amusant: "Si d'aventure tu croises nos hommes le premier, recommande-leur de grande gueule fermer!" 😂). En outre, il y a pas mal de répétitions dans les réactions des personnages (par exemple, tout le monde est toujours très énervé et se retient se souffleter son interlocuteur) et les dialogues sont assez creux, y compris ce qui est censé constituer le sel du livre, le débat de l'Ombre, pirate cruel et sanguinaire qui a renié Dieu (d'où le nom de son navire), et d'un jésuite qu'il a capturé en abordant un bateau espagnol. (Par contre, le personnage du jésuite est plutôt sympathique.)

Le Sans Dieu a été publié aux éditions Héloïse d'Ormesson, que je découvrais à cette occasion. Ça ne m'a pas inspiré confiance. Il me semble que le rôle de l'éditeur consiste justement à expliquer à un auteur que son livre n'est pas publiable en l'état et qu'il faut retravailler... (L'éditrice a aussi tenu des propos assez contrariants suite au mouvement Paye ton auteur mais je n'ai plus les détails en tête.)

Enfin, tout cela n'est point grave. Il arrive de se tromper et ce roman a de toute façon l'avantage de bien des livres de littérature contemporaine: il se lit vite! 😊

lundi 24 décembre 2018

In the Labyrinth of Drakes (2016)

Les aventures d'Isabella Camherst, naturaliste spécialiste des dragons et future Lady Trent, continuent avec ce quatrième tome, In the Labyrinth of Drakes. Marie Brennan reprend la même recette que dans les trois premiers romans et ça marche du tonnerre. Je crois même que ce tome est pour l'instant mon préféré (mais peut-être est-ce seulement lié au fait que j'ai lu le troisième de manière un peu décousue, alors que je manquais de temps, et que j'avais eu du mal à raccrocher les wagons entre deux pauses). En tout cas je l'ai lu avec un immense plaisir.


Pour info: j'utilise les noms de peuples et de pays anglais, je n'ai aucune idée de comment tout ça a été adapté en français. ^^

Avertissement: Ceci est un quatrième tome, je vais inévitablement devoir divulgâcher des choses.

Cette fois-ci, Isabella part en Akhia (= l'Arabie, je suppose) pour travailler avec l'armée scirling (= anglaise) et essayer de mettre au point un élevage de dragons. Oui, un élevage de dragons. En effet, maintenant que l'on sait que les os de dragon correctement préservés sont extrêmement légers et résistants et que les Yelangese (= les Chinois, j'imagine) [divulgâcheur] ont réussi à en faire des dirigeables [fin du divulgâcheur] (ouiiiiii je vous promets! 😃), il est urgent que les Scirlings trouvent une source fiable d'os. Donc, il faut élever des dragons. La chose n'a jamais été accomplie. Isabella et Tom Wilker (que nous connaissons depuis le premier tome) reprennent les travaux de leur prédécesseur tout près du désert de Jefi, où les locaux leur capturent des dragons. Andrew, le frère d'Isabella, a réussi à rejoindre le groupe de soldats du site et est donc également présent. Je ne sais plus du tout si on l'a rencontré dans les tomes précédents mais c'est un personnage très sympathique.

Bon, évidemment, rien n'est simple dans un contexte géopolitique belliqueux, et en plus Akhia a ses propres luttes internes, les tribus nomades du désert n'obéissant pas toutes au calife de la capitale. Il faut dire que Marie Brennan est très douée pour créer un univers crédible, certes inspiré du nôtre mais très autonome et plein de ramifications. On ne sait pas tout sur les intrigues politiques des différents gouvernements, mais c'est justement réaliste: Isabella a beau se fourrer souvent dans des situations qui ne la concernent pas, elle n'est pas aux premières loges de la politique; elle est une scientifique de terrain. Les forces à l’œuvre la dépassent et ne l'informent pas de leurs choix stratégiques.

En plus des différents obstacles politiques (et de la tâche difficile d'entretenir des dragons en captivité, sujet abordé avec l’œil scientifique habituel qui fait une partie de charme de cette série!), on voit entrer un scène un personnage du tome 3, à savoir l'archéologue Suhail. HAHA. Le hasard fait bien les choses. J'adore Suhail donc j'ai adoré le retrouver. Et [divulgâcheur] Isabella l'a demandé en mariage de manière totalement inattendue, c'était trop drôle et trop mignon, et voilà notre couple uni pour de bon, c'est formidable, je suis super heureuse [fin du divulgâcheur]. Puis tout le monde part explorer le labyrinthe du titre à la fin, ce qui nous fait plonger dans l'archéologie, c'est formidable. J'ai adoré cette partie.

Voilà. Que du plaisir. Bon, je vous le dis à chaque fois, il y a parfois un petit côté forcé (et oui, cette fois-ci aussi, Isabella dit dix fois qu'elle porte des pantalons et que son comportement fait scandale au pays), mais on s'en fout. C'est frais, c'est drôle, c'est crédible, il y a des dragons, les personnages ont l'air vrai. Bref c'est bien. J'ai hâte de lire le cinquième et dernier tome.

Vous pouvez retrouver mes avis sur les tomes précédents en suivant le tag Marie Brennan ci-dessous. 🐉🐉

(Joyeux Noël si vous passez par ici aujourd'hui ou demain! 🌲)

jeudi 20 décembre 2018

Harry Potter sur écran

C'était l'évènement culturel de l'automne: les Harry Potter sont arrivés sur Netflix! 😀😍 Au rythme d'un par semaine, ils ont rythmé mes mois de novembre et de décembre avec un plaisir immense...

(Note de service: je mettrai des photos quand j'aurai du temps 😜)

Harry Potter and the Philosopher's Stone de Chris Columbus (2001)


Tout commence ici et c'est juste trop mignon. 😍 Comment résister à ce film plein de magie et à la découverte de Poudlard? Faire les courses à Diagon Alley, prendre le Hogarth Express, rencontrer les fantômes, perdre l'équilibre dans un escalier qui bouge tout seul... pour la première fois, c'est juste jubilatoire. Ce film n'a pas de "patte" particulière par son réalisateur, mais c'est un travail collectif très réussi, avec un grand soin des décors et des détails qui rend vraiment honneur au monde de J. K. Rowling. Et Maggie Smith et Alan Rickman sont déjà mythiques dans leurs rôles respectifs.

Harry Potter and the Chamber of Secrets de Chris Columbus (2002)
J'aime beaucoup La Chambre des secrets pour son petit côté "mystère surnaturel" et la plongée dans le passé de l'école. Je trouve que ce tome/film donne du relief à Poudlard et laisse entrevoir à quel point l'univers d'Harry Potter est complexe et plein de ramifications, sans compter qu'il donne la parole à Voldemort, ce que je trouve super intéressant. En plus, c'est très drôle, notamment avec Kenneth Brannagh qui joue Gilderoy Lockart. Et puis on rencontre Lucius Malfoy, formidablement campé par Jason Isaacs (que j'aime à cause de Star Trek Discovery). Dommage que le combat contre le basilisc ne soit pas formidable, voire soit raté par moments, ça ternit un peu le film sur la fin. Mais tout est bien qui finit bien. Les méchants sont vaincus ou attrapés, les gentils sont récompensés, Dumbledore fait un petit discours et tout rentre dans l'ordre. C'est du cocooning et ça fait du bien.

Harry Potter and the Prisoner of Azkaban d'Alfonso Cuarón (2004)
Comme dans les livres, le troisième opus des aventures d'Harry Potter marque une transition. C'est la fin du cocooning. Certes, ça se termine bien et nos deux innocents sont sauvés, mais ça s'arrête là. Le méchant, cette fois, n'est pas vaincu mais prend la fuite, très content de lui. Et on découvre que le monde et le ministère de la magie peuvent se tromper et persécuter pendant des années la mauvaise personne. C'est fini, le noir et blanc des deux premiers tomes, avec sa distinction assez claire entre les méchants et les gentils.
Je pense toujours que cet épisode est celui que j'aime le moins à cause de la présence du voyage dans le temps, mais en fait le traitement de cet aspect est assez intelligent. J'ai beaucoup aimé. On sent qu'il y a eu changement de réalisateur grâce à quelques efforts de mise en scène, par exemple l'utilisation du portrait de Sirius Black en premier plan pendant que Mr Weasley met Harry en garde au second plan. Alfonso Cuarón a essayé de faire quelque chose d'un peu plus personnel (j'ai bien dit un peu plus, hein, il ne faut pas s'attendre à des miracles non plus). Et je n'avais jamais réalisé que c'est Emma Thompson qui joue Trelawney, c'est juste excellent!
Bref l'aventure continue avec plaisir.

Harry Potter and the Goblet of Fire de Mike Newell (2005)
Après la transition du troisième tome/film, La Coupe de feu marque le passage à l'âge adulte, le vrai. Les Death-Eaters sont de retour, Harry est plus en danger que jamais et la fin, malgré de derniers plans plus sereins, est tout sauf positive. Le livre étant beaucoup plus épais que les précédents, ce film manque un chouïa de quelque chose; il est dommage mais compréhensible de ne pas avoir adapté la partie sur les elfes de maison et la chute de Rita Skeeter (il aurait fallu un film de cinq heures pour tout adapter), mais ça manque un peu d'explications concernant l'évasion du fils Crouch (personne, parmi ceux qui n'ont pas lu le livre, ne s'est demandé comment il avait pu s'évader d'Azkaban sans que personne ne s'en rende compte?) et les piques du faux Moody (le fils Crouch) envers Crouch Senior. Mais c'est néanmoins une adaptation très réussie d'un livre extrêmement riche.
J'ai été moins émue par la fin que d'habitude, peut-être que je grandis...

Harry Potter and the Order of the Phoenix de David Yates (2007)
Un film très enthousiasmant, qui réussit bien à résumer un tome extrêmement dense. Comme toujours, on peut regretter l'absence de certaines choses, mais l'essentiel y est et ça fonctionne très bien. C'est une histoire à la fois très dure et très drôle, un mélange que j'apprécie vraiment. Le comportement d'Harry m'a même semblé beaucoup plus supportable que dans le livre. Un seul regret: la sous-exploitation de Maggie Smith, McGonnagal ayant seulement deux pauvres apparitions.

Harry Potter and the Half-Blood Prince de David Yates (2009)
Un film nettement plus sombre malgré quelques passages hilarants liés aux tribulations amoureuses des protagonistes. La situation est tendue dans le monde de la magie et cela se reflète dans la réalisation. J'ai beaucoup aimé Slughorn, à la fois pour sa vanité et sa comicité que pour ses regrets, qui sont très plausibles. Draco prend de l'épaisseur et Voldemort aussi, d'une certaine manière, et c'est important de connaître et respecter les méchants pour qu'ils fonctionnent. Et puis vient le coup de théâtre final et je pense que Rowling est un génie. ^^

Harry Potter and the Deathly Hallows 1 de David Yates (2010)
Poudlard, c'est fini: nos héros sont en cavale dans la nature. Cet épisode manque de rythme et traîne un peu, je crois que tout le monde s'accorde à dire qu'on s'ennuie dans la forêt... Mais il y a plein de choses intéressantes. Personnellement, je crois que ce sont plutôt les allers-retours dans des tas d'endroits apparemment peu liés entre eux qui me déplaisent légèrement (un coup chez les Weasley, un coup à Londres, un coup dans la forêt puis ailleurs dans la forêt, un coup chez les Lovegood). La mauvaise humeur de Ron arrive aussi un peu vite (alors qu'on sent plus le passage du temps dans le livre et qu'on comprend donc mieux qu'il pète les plombs). La fin, en revanche, est décourageante à souhait avec la mort de ce cher Dobby (et dire que je le détestais lors de ma première lecture de La Chambre des secrets!) et Voldemort qui s'empare de la baguette de Dumbledore.

Harry Potter and the Deathly Hallows 2 de David Yates (2010) 
Retour à Poudlard et combat final de nos héros contre les hordes de Voldemort. J'aime beaucoup ce film malgré l'impression persistante que les acteurs ont les bras ballants et l'envie de m'attarder plus longuement sur certaines scènes. Autant Snape a un vrai passage digne de ce nom qui lui rend hommage, autant j'aurais aimé voir plus longtemps McGonnagal, Albeforth Dumbledore, Hagrid et les enseignants de Poudlard en action... Bon, sinon, j'ai pleuré bien sûr, je trouve ce film déchirant: Snape qui dit "Always" et Lily qui dit à Harry "We never left", c'est trop.
Mon copain trouvant Dumbledore bien insensible d'avoir expliqué à Snape que Harry devait mourir, je lui ai fait remarquer que ce n'est pas de l'insensibilité mais le rôle d'un vrai leader. C'est comme Buffy qui tue Angel à la fin de la saison 2. Elle sait qu'il a récupéré son âme et est redevenu "gentil". Elle l'aime. Elle pourrait toucher le bonheur du doigt. Mais la porte de l'enfer est là et il faut la refermer. Entre une vie et des milliers de vie, il faut choisir... 💔

Conclusion

Malgré quelques défauts et quelques éléments que j'aurais aimé voir plus longuement à l'écran, je trouve que l'adaptation cinématographique d'Harry Potter est très réussie. L'univers y est, l'humour y est et l'histoire y est. Malgré une simplification inévitable, je trouve que les films ont réussi à résumer merveilleusement les livres, tout en conservant le jeu de piste liés à des petits détails dont J. K. Rowling est friande.

Une seule déception: je voulais absolument revoir tous les films avant d'aller Les Crimes de Grindewald au cinéma, pour bien me remettre en tête la relation entre Dumbledore et Grindewald, et en fait cette histoire est totalement tombée à la trappe dans les films! Grindewald est peut-être cité dans le septième film, mais c'est en passant – mon copain, qui n'a pas lu les livres, n'avait pas compris qui était le vieux monsieur que Voldemort interroge et tue, ni que ce vieux monsieur avait possédé la baguette de la Mort... 😂

Allez donc voir ailleurs si Harry y est!
Tigger Lilly a regardé ses films aussi, mais en chaussettes!

dimanche 16 décembre 2018

Les feux de l'automne (1957)

Avec Les Feux de l'automne, j'ai enfin lu le dernier livre d'Irène Némirovsky qui attendait dans ma PAL depuis trois ans. (Oui, trois ans: après quelques lectures pourtant très réussies, j'ai complètement perdu mon intérêt pour cette auteure, c'est dramatique.) Comme toujours, c'était une belle lecture, aussi sobre et élégante dans son écriture que fine et lucide dans son propos.


L'histoire est celle de Thérèse et Bernard, deux amis d'enfance dont la vie est marquée par les deux grands conflits du XXe siècle. Thérèse reste veuve pendant la Première Guerre mondiale. Bernard, engagé volontaire en 1914, revient de ses quatre ans au front bien décidé à profiter de la vie, à arracher la richesse et la jouissance au Paris d'après-guerre. Il réussit à infiltrer une certaine société financière et mondaine grâce à un ancien voisin, devient l'amant de la femme de celui-ci et commence à engranger de l'argent. Au détour d'une rencontre, Thérèse tombe violemment amoureuse de cet homme très différent d'elle, qu'elle n'a pas vu depuis des années, et ils finissent par se marier. Ils auront trois enfants, un garçon et deux filles, mais leur couple souffrira beaucoup du comportement de Bernard, qui court les bureaux et les salons, désireux d'avoir toujours plus. Il trouve totalement ridicule et dépassée la vie simple et honnête de Thérèse; il est fier de n'avoir plus aucune morale et trempe dans des affaires louches, ses éventuels scrupules étouffés.
 
Je retiendrai surtout de ce roman ce dernier point, la disparition de la morale d'une génération sacrifiée par son pays et ravagée par la guerre: Bernard estime qu'il a assez donné comme ça et ricane face au modèle vertueux de ses parents et de sa femme. Quand il se pose parfois des questions, il les oublie rapidement: ce n'est pas son problème, tout le monde le fait, c'est comme ça, pourquoi serait-il le seul à se priver? Il y a de l'argent à gagner. (Cette ascension dans les affaires louches m'a rappellé Daguerne dans La Proie.) Il sera toutefois bien rattrapé par le sort [divulgâcheur: son fils Yves meurt dans un accident d'avion provoqué par des pièces défectueuses, à l'achat desquelles Bernard avait participé malgré les mises en garde de certains experts]. Je ne sais pas si, en vrai, la défaite française de 1939 peut être en partie imputée à la moralité relative de certains milieux pendant les années vingt et trente, mais le tableau que brosse Némirovsky est assez effrayant (et toujours d'actualité, bien sûr: les gens qui estiment qu'ils peuvent faire n'importe quoi parce que tout le monde le fait, j'en connais plein, à commencer par des amis qui jettent leur mégot par terre, et on ne peut pas dire que la classe politique mondiale fasse preuve d'une grande responsabilité).

En parallèle du destin de Bernard, celui de Thérèse est également très touchant – c'est une femme très douce, pleine de courage et de bonne volonté – mais aussi contrariant, car Némirovsky la sacrifie en quelque sorte au bonheur de son mari. C'est vraiment la femme fidèle qui attend sagement que son mari adultère revienne et qui fait passer son bien-être avant le sien (même si, apprenant que Bernard a renoué avec son ancienne maîtresse, c'est elle qui demande la séparation). Ça donne des passages qui piquent les yeux, comme celui-ci que j'ai noté: "Puisqu'il me voulait, je n'avais qu'à céder. Après tout, l'homme est plus fort, plus intelligent que nous. S'il trouve que ça doit être comme ça, que l'amour n'est qu'une coucherie, c'est sans doute lui qui a raison. Je ne peux pas lui tenir tête, moi. Je ne suis pas un femme supérieure. Je ne pourrai pas lui prouver qu'il a tort. Je l'aime, je suis faible. S'il le veut, qu'il me prenne." 😱 Pendant la Deuxième Guerre mondiale, toutefois, elle force vraiment l'admiration en réussissant à faire tourner son ménage en plein rationnement, en travaillant sans relâche pour nourrir ses deux filles et sa belle-mère pendant que Bernard est prisonnier en Allemagne. Quand elle quitte Paris pour la campagne, j'ai même trouvé que c'était émouvant car c'est ce qu'a fait Némirovsky en vrai.


Ce livre parle aussi (mais assez peu) des ravages du temps (j'ai cru comprendre que les feux de l'automne sont une métaphore de l'âge), comme les autres de l'auteur, et comporte un passage sur l'exode des Français face à l'avancée de l'armée allemande en 1940 qui rappelle bien sûr Suite française. Je pense qu'il s'insère pleinement dans sa production. Némirovsky l'a achevé en 1942, l'année de sa mort, et il n'a été publié qu'en 1957. On a bien de la chance que cette écrivain n'ait pas été oublié! 😊

mercredi 12 décembre 2018

Tea Time for the Traditionally Built (2009)

Chronique express!


Les aventures de Mma Ramotswe continuent inlassablement au fil des ans. Alexander McCall Smith a trouvé une recette magique et elle fonctionne à chaque coup, comme je vous le dis dans chaque chronique. Dans ce dixième tome, Precious Ramotswe et Grace Makutsi enquêtent sur une équipe de foot dont les performances sont en chute libre, mais elles ont aussi un gros souci chacune: le petit van blanc de Mma Ramotswe, qui la menait partout depuis des années (vous savez, celui qui penche du côté de la conductrice parce qu'elle a "une constitution traditionnelle"), semble arrivé au bout de sa route; et Mma Makutsi voit une terrible rivale, Violet Sephotho, s'infiltrer dans le magasin de son fiancé Rra Radiphuti!! Si la deuxième intrigue est plutôt amusante et constitue le pendant humoristique et léger du livre, la première illustre bien ce que j'adore dans cette série: la manière dont McCall Smith met le doigt sur de toutes petites choses qui font la vie humaine, le bonheur et les sentiments. Changer de voiture, ce n'est rien de grave, mais ce sont aussi des années qui s'en vont... Par ailleurs, on retrouve rapidement les personnages secondaires habituels, comme les enfants de Mma Ramotswe, les apprentis (HAHA!! on découvre dans ce tome le prénom du plus jeune apprenti du garage, qui avait toujours été appelé "the younger apprentice" pendant les neuf tomes précédents!!) et la formidable directrice de l'orphelinat; et comme à chaque fois c'est comme retrouver de vrais amis. 💖

samedi 8 décembre 2018

Le froid et les ténèbres. Le monde après une guerre atomique (1984)

Le métier de traducteur vous amène régulièrement à découvrir des tas de choses insoupçonnées et vous impose parfois de lire des choses improbables. Il y a fort longtemps, par exemple, j'avais partagé mes emprunts sur le thème de l'astrologie. Cette année, la même traduction qui m'a fait découvrir l'histoire des botanistes de Leningrad m'a motivée à emprunter le seul ouvrage de Carl Sagan disponible dans ma médiathèque. C'était ainsi parti pour 250 pages environ de considérations glaçantes sur les conséquences d'une guerre nucléaire.

Titre complet: Le froid et les ténèbres. Le monde après une guerre atomique. Le rapport de la Conférence sur les conséquences biologiques d'un conflit nucléaire
Auteurs: Paul R. Ehrlich, Carl Sagan, Donald Kennedy, Walter Orr Roberts
Préface: Lewis Thomas
Traduction: Danielle Pacanowski et Dominique Peters


La Conférence sur le monde après une guerre nucléaire s'est tenue à l'hôtel Sheraton de Washington D.C. le 31 octobre 1983 avec plus de 500 participants et cent journalistes. Le lendemain, elle a été suivie d'une liaison satellite avec un groupe de chercheurs soviétiques réunis à Moscou ayant travaillé sur le même sujet et ayant obtenu sensiblement les mêmes résultats. C'est quelque chose que tous les intervenants soulignent à de maintes reprises: ces résultats sont partagés par les Américains et les Soviétiques et font consensus parmi des centaines de scientifiques, un fait apparemment bien rare (lol). Ce sont des données précises issues de simulations plausibles, pas une déclaration sur la politique de tel pays. C'était plutôt encourageant de lire ça, de voir tant de gens déterminés à faire avancer les connaissances humaines et à mettre de côté leurs éventuelles peurs et rivalités pour sonner l'alarme. Les risques d'une guerre nucléaire avaient apparemment été largement sous-estimés jusque-là, mais on parle bel et bien de la disparition de notre civilisation, de l'humanité telle que nous la connaissons et même de la vie telle que nous la connaissons.

Les simulations reposent sur plusieurs scénarios différents que je n'ai pas retenus avec précision; tout dépend du nombre de bombes, de leur puissance et de leur nature (certaines bombes atomiques explosent au sol, d'autres en l'air), mais aussi de leurs cibles (on n'a pas le même résultat en lançant une bombe dans la toundra et dans une grande ville) et de la période de l'année (à cause de l'incidence sur les récoltes). Dans toutes les simulations, même une petite guerre nucléaire mobilisant une faible fraction de l'arsenal existant au début des années quatre-vingt a des conséquences catastrophiques, de l'ordre de 750 millions à un milliard de morts à cause du souffle des explosions.

Puis vient l'hiver nucléaire, provoqué notamment par les particules de suie dégagées par les incendies. Une ville bombardée par un engin nucléaire brûle pendant des jours ou des semaines et regorge de matériaux provoquant des fumées noires et toxiques qui bloquent les rayons du Soleil, obscurcissant les alentours et empoisonnant les éventuels survivants. Il faut s'attendre à ce qu'il fasse nuit à midi pendant de longues périodes. Les températures chuteraient de plusieurs dizaines de degrés par rapport à la normale, la photosynthèse prendrait fin, les végétaux (dont les cultures) mourraient, l'eau douce gèlerait sur plus d'un mètre dans une bonne partie de l'hémisphère nord. Les courants atmosphériques transporteraient rapidement les particules dans l'hémisphère sud également, qui serait donc touché même s'il ne participait pas à la guerre.

Les baisses de températures seraient moins marquées au niveau des mers à cause de l'inertie thermique des océans, mais la différence de température entre les océans relativement chauds et les continents froids provoquerait des oranges très violents le long  des côtes, qui ne seraient donc pas habitables. Dans les océans comme sur terre, le manque de lumière détruirait la chaîne alimentaire en commençant par le phytoplanction.

Sur les continents, il faudrait aussi tenir compte des morts provoqués par les dégâts d'une bombe larguée sur les usines chimiques, voire une centrale nucléaire. Par ailleurs, il n'y aurait plus de structure sociale ou de soins médicaux. Un niveau d'irradiation donné ferait donc plus de dégâts sur notre santé qu'il ne le fait actuellement, quand les personnes exposées bénéficient d'une prise en charge spécifique.

Les bombes auraient aussi pour effet de réduire considérablement la couche d'ozone (à cause de l'augmentation d'un gaz que j'oublie) et les survivants seraient donc exposés à des taux d'ultraviolets plus forts que d'habitude; ils perdraient la vue, la cataracte détruite par ces rayons.

Les seuls organismes susceptibles de survivre avec une relative facilité dans cet environnement seraient les insectes, qui mangeraient les végétaux restants et transporteraient des maladies – encore un mauvais point pour nous.

Dans ce contexte, les survivants erreraient dans un monde dévasté, stérile et froid, sans plus aucun repère social et technologique – il faut imaginer la perte progressive de tout notre confort avec la désorganisation des États. (Très post-apo tout ça, Tigger Lilly.) Aujourd'hui, la notion d'hiver nucléaire est connue (même si j'ignorais les détails dont je vous ai fait part), mais ces recherches semblent avoir été les premières à en parler.

Pour la petite histoire, le sujet de l'augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphère terrestre due aux activités humaines et de son effet sur le climat a été très rapidement abordé par un membre du public se demandant si cela pourrait compenser l'hiver nucléaire. C'était il y a trente ans et je crois qu'on en est au même stade aujourd'hui. 😕 (Et non, malheureusement, même cet effet de serre ne suffirait pas le moins du monde à compenser l'hiver nucléaire.) Toutefois, la présence des questions-réponses du public est une partie très intéressante: on voit certaines personnes demander plus de précisions sur un point, d'autres élargir vers d'autres recherches. J'aimerais beaucoup voir une vraie conférence scientifique un jour, même si je ne comprendrais pas grand-chose.

Bref bref, une lecture très anxiogène (d'autant plus qu'on se demande vraiment à quoi il sert que les scientifiques sonnent l'alarme si les politiques ne font rien derrière) mais aussi très intéressante. Je doute qu'elle me soit utile pour ma traduction (bien qu'il y ait un chapitre sur l'atome, mais mon auteure est une grande humaniste et s'attarde plutôt sur ce qui lui donne espoir que sur nos travers) mais je suis contente d'avoir trouvé cet ouvrage. Et bénies soient les médiathèques qui conservent ce genre de document antidéluvien en magasin. Je me demande depuis combien d'années il n'avait pas été emprunté. 😃😃

mardi 4 décembre 2018

La gamelle de novembre 2018

Encore un tout petit mois que ce mois de novembre. Cette fois-ci, ce n'est pas seulement faute de motivation mais aussi faute de temps; j'ai plein, plein de travail. J'essaye de dynamiser un peu ma carrière cet hiver. Et forcément, ça prend sur le reste.

Sur petit écran

Comme à peu près tout le monde, je regarde Harry Potter sur Netflix. 😊😍 J'en parlerai dans un billet dédié en janvier.

Sur grand écran

Bohemian Rhapsody de Bryan Singer (2018)


Je redoutais beaucoup ce biopic car je n'aime pas Queen et ne supporte pas bien les gens qui adooorent Queen et ont besoin de le faire savoir. En fait, c'était super intéressant et à petites doses ça va, j'aime bien Queen. Le film n'a rien de remarquable en soi (il regroupe tous les poncifs du biopic et ne m'a pas semblé très bien maîtrisé dans son découpage), ce sont vraiment son histoire et sa musique qui le rendent intéressant. J'ai été contente de retrouver Rami Malek (de Mr Robot) et Allen Leech (de Downton). Bref, une belle surprise et un bon moment.

Star Trek: Le film de Robert Wise (1979)


Mon cinéma a participé à un festival du film documentaire sur le thème de l'espace. La programmation était incroyable: Apollo 13, Gravity, Wall-e, La Folle histoire de l'espace, Galaxy Quest, Une Merveilleuse histoire du temps et bien d'autres encore... J'aurais passé ma vie au cinéma si j'avais pu. C'est quand même bien tombé car j'ai pu faire la séance de ce vieux Star Trek le vendredi soir, mon cours d'équitation ayant été annulé.
Ce film est singulièrement lent, il y a un vrai "mou" au milieu quand l'Enterprise rentre dans un nuage gigantesque qui semble menacer la Terre, mais le début et la fin m'ont mise dans un état d'exaltation assez avancé. Au début, c'est parce qu'on retrouve progressivement tous les personnages de la série (joués par les acteurs d'origine) et l'Enterprise, j'étais tellement heureuse. À la fin, c'est parce que c'était de la SF comme je l'aime, qui pose des questions sur l'identité, l'humanité et la conscience, avec une résolution très clarkienne et l'apparition d'une sonde Voyager (je traduis actuellement le livre de quelqu'un qui a travaillé sur Voyager en vrai, je vous laisse imaginer l'émotion). Et puis Kirk et ses coéquipiers sont revenus dans l'Enterprise et sont repartis explorer l'univers (il n'a pas dit "where no man has gone before" mais un "over there, that way" très amusant), l'écran a affiché une phrase du genre "le voyage de l'humanité ne fait que commencer", j'ai vu "Conseiller scientifique: Isaac Asimov" dans les titres de fin et j'ai perdu connaissance, c'était TROP. 💖💖
Une seule critique: Star Trek a beau être une saga humaniste et égalitaire, les filles sont très en retrait. Dans ce film, ils auraient notamment pu éviter de mettre le personnage d'Ilia en tunique ras-des-fesses et talons aiguilles... 😒

Du côté des séries

Rien. Comme le mois dernier, je garde cette catégorie dans le billet juste pour me mettre la pression. ^^

Du côté des BD


J'ai lu les quatre volumes des Dinosaures en bande dessinée (pour rappel, je vous avais déjà parlé du premier volume ici). C'est vraiment très bien, je recommande, quel que soit votre âge. Les informations sont précises et les histoires sont amusantes (par exemple, il y a la présence récurrente du petit Compsognatus qui a tendance à se faire écraser ou manger par des dinosaures de plus grande taille ^^). Chaque tome est aussi complété par un dossier sur un chantier de fouilles ou une espèce de dinosaure, avec des interviews de spécialistes ou une description de musée. J'attends donc la sortie du cinquième volume avec enthousiasme.

Du côté des revues


J'ai lu le Mad Movies Classic sur la saga Jurassic Park. Passionnant et très complet, comme toujours. Ces magazines sont de véritables puits de culture!

J'ai aussi lu un vieux Faeries dont le dossier était consacré à David Eddings. Les nouvelles étaient très moyennes, je n'en ai aimé qu'une (Le Sommeil des héros de Fabrice Anfosso, une pièce de théâtre super efficace). Le dossier, par contre, était super intéressant et m'a presque donné envie de redonner une chance à Eddings – j'ai lu un de ses livres il y a fort longtemps et je n'ai pas aimé.

En fin de mois (ou plutôt début décembre, ce numéro étant arrivé très tardivement ^^), j'ai lu mon Cheval Mag adoré, comme d'habitude.

That's all, folks!
À dans un mois pour la dernière gamelle de 2018!

vendredi 30 novembre 2018

L'histoire des botanistes de Leningrad

Étant complètement débordée de travail en ce moment et à peu près incapable de lire plus de quinze minutes par jour, je vous propose aujourd'hui un interlude non littéraire. Est-ce que ça vous dit de découvrir le triste sort des botanistes de Leningrad, l'actuelle Saint Petersbourg?

Mes informations sur cette histoire proviennent principalement du livre que je traduis actuellement (je ne peux pas vous en parler pour des raisons de confidentialité, mais c'est une source fiable 😊), mais aussi de mes propres recherches sur le sujet.

Pendant les années vingt et trente, Nikolaï Vavilov, un botaniste soviétique, a parcouru le monde à la recherche de graines anciennes, qu'il a réunies dans l'Institut de botanique de Leningrad. Il souhaitait améliorer les cultures pour lutter contre la faim et espérait trouver les ancêtres des variétés vivrières de son époque. C'était un scientifique tout à fait sérieux. Malheureusement, Staline préférait Lyssenko, un botaniste autodidacte qui prétendait pouvoir obtenir des variétés résistantes au froid beaucoup plus vite que Vavilov, notamment en trempant les grains de blé dans l'eau froide (!). (Apparemment, il croyait que les caractères acquis se transmettent de génération en génération; si une graine de blé résiste à de l'eau glaciale, elle va modifier son patrimoine génétique et ses descendants seront d'emblée résistants au froid.)


Staline étant ce qu'il était, la pseudoscience de Lyssenko est devenue science officielle. Vavilov a été arrêté et est mort en déportation en Sibérie des suites de la dénutrition, ce qui est particulièrement triste pour quelqu'un qui essayait d'éradiquer la famine...

Avant son arrestation, Vavilov avait recommandé à ses collègues de quitter son équipe car il avait bien compris combien il était menacé. Mais certains avaient refusé, voulant continuer leurs recherches malgré le danger, et étaient restés travailler à l'institut. Et puis Leningrad a été encerclée par l'armée allemande en septembre 1941. Je crois que le siège de Stalingrad est plus connu parce qu'il a marqué le retournement de la guerre, mais celui de Leningrad a été tout aussi terrible: presque deux ans et demi de siège et presque deux millions de victimes, majoritairement des civils morts de faim!! Le jour de Noël 1941, 4000 personnes sont mortes de faim...

Barricadés dans leur institut de botanique, les collaborateurs de Vavilov étaient assis sur un tas d'or, ou plutôt un tas de bouffe, ce qui est encore plus précieux en temps de guerre: des milliers et des milliers de graines. Ils auraient pu faire cuire tous ces grains de riz et de blé et manger tous ces fruits à coque pour survivre, ou bien partager tout cela avec leurs proches. Mais ils ne l'ont pas fait. Ils ont poursuivi leur travail. Ils ont continué à cataloguer les graines et à faire des croquis dans le froid glacial pendant que Leningrad agonisait autour d'eux (apparemment, ils ont eu la chance de ne pas être bombardés car Hitler connaissait la banque de semences de Vavilov et souhaitait s'en emparer). Ils mangeaient la même ration que le reste de la population, deux tranches de pain par jour, puis il n'y a même plus eu de pain.

Et ces pauvres botanistes ont fini par mourir de faim les uns après les autres, au milieu de leurs graines... Parce qu'ils pensaient qu'il fallait conserver ce patrimoine génétique pour les générations futures, que ces graines seraient nécessaires à la fin de la guerre pour replanter.

Je trouve ça triste à pleurer et beau à redonner foi en l'humanité, un de ces actes de désintéressement qui forcent l'admiration. (Et tellement russe: tout est toujours plus grand, plus incroyable et plus surhumain en Russie.) L'institut, qui a pris le nom de Vavilov bien plus tard, quand Lyssenko a été sorti de la scène publique par des scientifiques qui ont osé dire qu'il racontait n'importe quoi (après la mort de Staline, bien sûr), existe encore et joue un rôle important dans la préservation de la diversité des variétés vivrières, un thème encore plus important aujourd'hui que pendant les années trente et quarante.


lundi 26 novembre 2018

Nous qui n'existons pas (2018)

Chronique express!


Nous qui n'existons pas est le premier livre de Mélanie Fazi que je lis. Je connais cette écrivain grâce à des articles de blog et j'ai offert un de ses livres à une amie, mais je n'avais jamais franchi le pas – alors même qu'elle écrit du fantastique, mon genre de prédilection! J'ai été très intéressée par cette publication à cause de son titre et de son sujet. Il s'agit d'une sorte d'autobiographie qui fait suite à un article de blog, Vivre sans étiquette. Mélanie Fazi y parle de la différence qui la met "à part" dans notre société et de la manière dont elle a essayé de l'apprivoiser, avec diverses évolutions au cours de sa vie et nombre de difficultés.

C'est très intéressant et très juste, avec une auto-analyse très fine et sobre. Je me suis retrouvée à de maintes reprise dans cette sensation d'isolement et ça m'a fait réfléchir à mes propres travers (un exemple pour vous donner une idée: comment je me moquais de Britney Spears, quand j'étais au collège, à cause de sa volonté affichée de rester vierge jusqu'au mariage. Ce genre de projet de vie peut sembler un peu anachronique, mais la liberté sexuelle n'est pas l'obligation du sexe. Si Britney Spears ne veut pas baiser, c'est son droit). Cet ouvrage fait réfléchir à la façon folle dont les attentes de la société, des autres, sont omniprésentes et implicites même quand les gens ne vont pas jusqu'à vous dire en face certaines choses; ça imprègne toutes les relations et les échanges qu'on a au quotidien. Il faudrait le faire lire à tout un tas de personnes convaincues qu'elles savent tout sur tout... Inversement, il faut vraiment penser à soutenir les gens mal dans leur peau; quand je pense que Mélanie Fazi (que je considère comme une auteure reconnue et une femme intelligente et indépendante, d'autant plus maintenant que je l'ai vue en vrai à une rencontre et un salon) a eu ce parcours difficile tandis que les gens pétris de convictions barbotent dans le bonheur de leurs convictions, misère mais c'est le monde à l'envers...

En bref: un court texte très bénéfique qui m'a donné envie de lire Mélanie Fazi. Du coup j'ai acheté Serpentine. 😁

Allez donc voir ailleurs si cette existence y est!

jeudi 22 novembre 2018

La Proie (1938)

Chronique express!


Dans La Proie, Irène Nemirovsky raconte l'histoire d'un ambitieux, Jean-Luc Daguerne. Jeune, amoureux, il est bien décidé, quand on le rencontre, à épouser la femme qu'il aime et à faire ses preuves dans la vie. "Il se sentait de force à soulever le monde!" Pourtant, suite à une déception amoureuse, cette femme, fille d'un banquier, ne lui semblera plus qu'un moyen de monter dans la société riche et policée qui symbolise à ses yeux le pouvoir et la réussite.

Dès le premier chapitre, j'ai adhéré à ce roman pessimiste et triste. Irène Némirovsky décortique les sentiments et les ressentis avec une lucidité frappante et sans aucun jugement de valeur. On va voir Daguerne saisir les opportunités avec une conscience terrible de ce qu'il fait et ce désir insatiable de réussir, d'arriver, une rage de vaincre que l'auteur associe étroitement à la jeunesse, au désir de vivre, à la volonté d'avoir, à son tour, accès à tout ce que la génération précédente a eu. Et pourtant, le bonheur n'est pas au rendez-vous. Le bonheur n'est jamais au rendez-vous, il fuit ailleurs. Je me suis retrouvée dans ce roman plein d'un gâchis immense. Moi aussi, je voulais réussir et j'ai l'impression que je n'arriverai jamais à prouver quoi que ce soit à qui que ce soit car à chaque étape je me retrouve aussi seule et gelée qu'à l'étape précédente. À la réflexion, il y a aussi quelque chose de Gatsby ici, mais dans un genre bien différent (Gatsby, au moins, a misé sur ce qu'il fallait). Comme toujours, Irène Nemirovsky parle de la perte de la jeunesse et de l'énergie qui l'accompagnait, c'est un vrai crève-cœur (peut-être même trop d'ailleurs, je crois connaître des personnes qui ont passé la soixantaine et qui vivent ça bien). Et bien sûr ça se termine mal. Voilà.
"On passe sa vie à se battre, haletant, désespéré. On se croit vainqueur, mais toutes les humiliations, tous les échecs, toutes les déceptions, les désastres, tout cela reste en vous, attend, et, un jour, remonte et vous étouffe, comme si la faiblesse de l’enfant veillait au cœur de l’homme, prête à le vaincre, prête à l’abattre."

dimanche 18 novembre 2018

All Through the Night (1998) + He Sees You When You're Sleeping (2001)

Mary Higgins Clark est une autrice que je connais de nom depuis longtemps (forcément: d'après sa page Wikipédia, elle a vendu 80 millions de livres rien qu'aux États-Unis! 😀) mais que je n'ai jamais lue. Je dois dire que j'avais un a priori assez négatif, du type "c'est du policier-Harlequin". Quand j'ai vu ces petits livres dans la bibliothèque d'une amie, je me suis dit que c'était l'occasion d'essayer. C'est parti pour une petite excursion dans le formidable monde de Noël, un peu avant l'heure.


All Through the Night (1998)

Ce mystère de Noël réunit deux intrigues: d'une part un mystérieux testament qui prive une dame âgée de sa maison, sa sœur ayant laissé la demeure à un couple de locataires, et d'autre part la recherche d'un bébé abandonné devant une église sept ans plus tôt. Bien évidemment, les deux sont liés; après l'école, la petite fille abandonnée est gardée par une association caritative qui allait emménager dans la maison en question. Alvirah, une vieille dame à qui on ne la fait pas, mène l'enquête sur le testament, rencontre la maman à la recherche de son enfant et résout les deux intrigues entre une séance de dictaphone et une tranche de gâteau, le tout dans une ambiance résolument tournée vers Noël puisque nous sommes en décembre et que tous les personnages ou presque s'occupent du spectacle de Noël des enfants de l'association.

Alors, mon verdict? Bein c'est pas mal. C'est effectivement simple et lisse, avec plein de bons sentiments et une société très policée (la New York bien WASP de Central Park avec gala à la fin), tout le monde est beau et gentil et il n'y a guère de suspense puisqu'on comprend dès l'introduction, au vu du ton, que OUI la malheureuse maman qui abandonne son bébé finira par le retrouver et que OUI les enfants défavorisés du quartier pourront profiter de la belle maison qui leur a été léguée. Mais c'est agréable, on rentre dedans tout de suite, ça se lit tout seul et plusieurs personnages sont pas mal caractérisés du tout, notamment Alvirah (apparemment un personnage récurrent de l'auteur), ce qui fait qu'on les cerne et qu'on les aime bien tout de suite. Donc je comprends assez bien que Mary Higgins Clark vende autant, c'est un type de roman vers lequel on peut revenir très facilement.

He Sees You When You're Sleeping (2001) (écrit avec Carol Higgins Clark)

Ce deuxième roman de Noël montre comment Sterling Brooks, décédé depuis 47 ans, revient sur Terre pour aider quelqu'un. Le conseil qui valide (ou non 😂) l'entrée des âmes au paradis a en effet décidé de le mettre à l'épreuve et de vérifier s'il peut racheter le comportement dont il faisait preuve de son vivant. La personne qu'il devra aider est Marissa, une petite fille de sept-huit ans qui est très triste depuis que son père et sa grand-mère, menacés par des mafieux, ont dû la quitter pour disparaître avec l'aide du programme de protection des témoins du FBI.

Cette deuxième lecture a confirmé ce que j'avais pensé du roman précédent. Il n'y a guère d'enjeu, on sait d'emblée que OUI Marissa aura le bonheur de fêter Noël et son anniversaire (car elle est née le 25 décembre) avec son papa adoré et sa formidable grand-mère et que les horribles frères mafieux qui cherchent à les éliminer seront rattrapés par la justice. Mais le décalage entre Sterling Books, mort depuis 47 ans, et la New York des débuts des années 2000 est plutôt amusant, tout comme le caractère pleurnicheur et grotesque des deux mafieux originaires d'Europe de l'Est qui parlent tout le temps de leur "mama" restée au pays.

En bref: je ne continuerai pas avec Mary Higgins Clark, ce n'est pas une auteure que je recommande particulièrement, mais c'est plaisant et efficace dans son genre. Ça a quelque chose de rassurant, je pense, de lire ces histoires un peu "cozy" où tout est bien qui finit bien et où des sapins gigantesques clignotent joyeusement à côté de la cheminée. Le froid étant enfin arrivé quand j'ai lu ces livres, fin octobre-début novembre, c'était même plaisant de se projeter vers l'image satinée d'un Noël new-yorkais bien comme il faut.

Et vous, avez-vous déjà lu Mary Higgins Clark? Qu'en avez-vous pensé? Connaissez-vous des lecteurs qui l'apprécient?

mercredi 14 novembre 2018

La cuisinière d'Himmler (2013)

Chronique express!


Rose, cuisinière et gérante de restaurant à Marseille âgée de 105 ans, commence un jour à écrire ses mémoires. Depuis son enfance dans l'Arménie des années 1910, elle a eu une vie aventureuse marquée par certaines des grandes tragédies du XXe: le génocide arménien, la Seconde Guerre mondiale et le maoïsme. Les faits sont loin d'être drôles, mais le ton est désopilant: cette femme au caractère brut de décoffrage n'a plié face à rien, trouvant toujours sa force dans le travail (en cuisinant plus que jamais) ou... la vengeance! 😂 Elle n'hésite pas, en effet, à retrouver les coupables et à leur régler leur compte...

Franz-Olivier Giesbert réussit un vrai tour de passe-passe: faire rire avec un livre qui se lit tout seul alors même qu'il est truffé d'horreurs. C'est fou. De lui, j'avais déjà lu Un Pedigree et je n'avais pas du tout aimé; je ne chroniquais pas mes lectures à l'époque et je n'ai pas de souvenirs précis, mais je crois que j'avais trouvé ça très parisien nombriliste. Rien de cela ici, c'est vraiment plaisant, bien maîtrisé et bien documenté à la fois; je ne suis pas une experte mais j'ai eu la nette impression que l'auteur a bien préparé l'aspect historique. Il y a certes, en parallèle de faits très précis, un côté totalement invraisemblable (du genre Himmler qui emmène sa cuisinière française en Allemagne pour l'aider à retrouver sa famille déportée), mais je crois qu'on s'en fiche totalement parce que ça permet à Rose d'être aux premières loges de l'histoire. En plus, elle cite tout le temps les plats qu'elle a servis dans ses restaurants et ça met l'eau à la bouche... 😁

Allez donc voir ailleurs si cette cuisinière y est!

samedi 10 novembre 2018

Les Chouans (1829)

J'ai plus ou moins (re)découvert la chouannerie il y a trois ans en (re)lisant L'Ensorcelée de Barbey d'Aurevilly. J'avais bien dû aborder ça à l'école, mais je n'en gardais aucun souvenir... Dans la foulée, j'ai acheté Les Chouans de Balzac, toute contente à l'idée de retrouver les royalistes en lutte contre la République. (La littérature a de drôles d'effets parfois. En soi je préfère la république à la monarchie, mais en lisant Barbey tu regrettes l'Ancien Régime... ^^).


Bref, j'ai acheté Les Chouans. Quelle erreur, mes amis, quelle erreur.

C'est d'un ennui mortel, confus et complètement invraisemblable. J'ai décroché au bout de quarante pages et j'ai péniblement réussi à rallumer mon attention à la fin, mais j'ai loupé plus de la moitié de l'intrigue. Globalement, ça se passe du côté d'Alençon en 1799, avec les Chouans qui semblent vouloir relancer la guerre civile et la République qui manque de troupes à envoyer sur place. Les Chouans sont menés par un jeune noble surnommé Le Gars. La République envoie une espionne jeune et jolie le séduire. Ils se rencontrent par hasard, tombent amoureux en une heure, se jurent un amour torturé et inaltérable et sont prêts à renier leurs idéaux aussitôt. L'espionne use de son autorité sur l'armée pour sauver le Gars, mais voilà qu'un mal intentionné chuchote quelque chose sur l'espionne à l'oreille du Gars, qui fait massacrer les soldats escortant l'espionne, et nos deux héros se reverront deux ou trois fois avec une alternance d'amour fou, de trahison, de peine destructrice, de reproches et de sacrifices très difficile à suivre et franchement inintéressante. Misère, tout ceci m'est tombé des mains. [Divulgâcheur: à la fin, ils meurent ensemble sous les balles des Républicains, juste après avoir été mariés en cachette.]

Certes, le contexte historique est intéressant. Je crois qu'on oublie complètement les années violentes d'après la révolution, avec une véritable guerre civile en France, les nobles qui avaient fui et les prêtres qui se cachaient pour officier, un certain flottement à Paris et les troupes en train de guerroyer aux frontières. Dans mon souvenir, les lives d'histoire passent bien vite de la Bastille à la gloire de Napoléon. Mais ça n'a pas suffi à insuffler un intérêt à cette lecture...

Décidément, Balzac est vraiment imprévisible pour moi: je garde un super souvenir du Colonel Chabert et d'Eugénie Grandet et j'ai visiblement (d'après mes chroniques) apprécié La Cousine Bette et Le Père Goriot, mais La Peau de chagrin et ces Chouans me sont tombés des mains. J'ai encore La Rabouilleuse dans ma PAL et j'ai un peu la trouille là. J'essaye de me dire que Les Chouans est le premier roman de Balzac, peut-être a-t-il commis des erreurs de jeunesse et a-t-il évolué par la suite...

Le petit truc en plus que vous devez absolument savoir
Je ne peux pas dire que je n'étais pas prévenue en ouvrant Les Chouans: Tigger Lilly m'avait mise en garde! 😂


Livres de Balzac déjà chroniqués sur ce blog

mardi 6 novembre 2018

La gamelle d'octobre 2018

Un tout petit mois que ce mois d'octobre. J'ai de plus en plus de mal à me motiver pour aller au cinéma. C'est tellement dommage. 😌

Sur petit écran

Rien.

Sur grand écran

Venom de Ruben Fleischer (2018)
Après un début un peu difficile en raison d'une succession de scènes rapides, presque saccadées, qui m'ont semblé insuffisantes pour poser l'intrigue, Venom s'est mis à parler et j'ai adoré ("Pile of bodies, pile of heads"). Ce n'est pas du tout un film inoubliable mais j'ai très envie de retrouver ce "méchant" qui n'en est pas un. 😄

Beetlejuice de Tim Burton (1988)


Une séance UGC Culte extrêmement plaisante. J'avais déjà vu Beetlejuice mais c'était il y a des années et je ne m'en souvenais pas vraiment. C'est très drôle et frais, avec plein de thèmes ou d'éléments esthétiques qu'on retrouvera dans d'autres films de Burton (la mariée fantôme par exemple ^^). Les personnages ont beau être un peu caricaturaux, ils sont aussi super naturels et crédibles, c'est fou! La musique de Danny Elfman est également très réussie. C'est un film très sympa qui met de super bonne humeur.

Du côté des séries

Rien. Je garde cette catégorie dans le billet juste pour me mettre la pression. ^^

Du côté des BD


Putain de chat 4 de Lapuss'
Il était permis d'en douter vu la fin du tome 3, mais la série Putain de chat continue avec Grisbi, la chatonne arrivée à la fin du tome 2 (je crois). C'est toujours sympa et acide mais je ne sais pas s'il est bien pertinent d'acheter les volumes, ça se lit en dix minutes et c'est vite oublié.

Chat-Bouboule 2. La nuit tous les chats sont gros de Nathalie Jomard (2016)
Le gros Bouboule est mon chat préféré parmi mes récentes découvertes. C'est frais, mignon et drôle. Je suis juste désespérée que l'édition grand format de ce tome 2 soit épuisée et que j'aie dû me replier sur cette version poche. Ça ne va pas faire beau dans la bibliothèque. 😥

Le chat du rabbin de Joann Sfar (2010-2018)
J'ai repris cette série à zéro en vue de lire les deux derniers tomes, que j'ai achetés récemment. C'est très bien, il y a vraiment plein de bonnes idées et de beaux messages sur la tolérance et la paix entre les peuples (j'aime particulièrement les passages avec le rabbin Sfar et le cheick Sfar), et puis le chat est tellement croustillant avec sa langue bien pendue qu'il vaut le détour à lui tout seul. Par contre, la série est inégale et certains tomes me semblent un peu mous (le 4 et le 7 notamment, je crois). Il faut aussi dire que le dessin tremblotant de Sfat ne plaira pas à tout le monde. Précédemment, j'ai chroniqué un peu plus longuement les tomes 1 à 5 et le tome 6.

Et le reste

J'ai lu Un T-Rex à Paris des éditions Beaux-Arts, la revue achetée à l'exposition du Muséum d'histoire naturelle sur Trix, une femelle tyrannosaure, que j'ai visitée à la fin du mois d'août avec, entre autres, Tigger Lilly qui en parle ici. Chère, certes (9€ pour 40 pages!), mais très utile pour se rafraîchir la mémoire. En fin de mois, j'ai lu Cheval Magazine, comme d'habitude.

Et voilà. Comme toujours, j'espère faire mieux ce mois-ci!