samedi 27 décembre 2014

Le Comte de Monte-Cristo (1845)

Lire Dumas, c'est toujours un plaisir, mais Le Comte de Monte-Cristo m'a semblé (encore) au-dessus de ses autres romans: (encore) plus long, plus dense, plus complexe, plus dur, (encore) plus prenant...


En 1815, Edmond Dantès, un honnête jeune marin promis à un bel avenir, est de retour à Marseille après un long voyage en mer. Il y retrouve son vieux père et son amoureuse Mercédès. Il n'a que quelques commissions à effectuer avant de se fiancer et de toucher au bonheur. Mais l'une de ses commissions va entraîner sa chute, puisqu'il est dénoncé pour complot bonapartiste à cause d'une lettre qu'il ramène de l'île d'Elbe, où est exilé Napoléon. Enfermé au château d'If malgré son innocence, il va croupir au cachot pendant quatorze longues années, avant d'en sortir miraculeusement pour se venger...

Le Comte de Monte-Cristo, c'est le romanesque par excellence. Voyez plutôt tout ce qu'on peut y trouver:
- un complot;
- un cachot humide et sombre à souhait;
- une évasion;
- un trésor;
- une vengeance;
- des brigands;
- un amour impossible entre deux personnes de classes sociales différentes;
- du poison;
- des passages secrets;
- des identités secrètes.

Avec tout ça, il y aurait déjà de quoi ne pas s'ennuyer tout au long des 1150 pages de mon édition (1450 pour l'édition de poche Folio). Mais ce n'est pas tout. Il faut ajouter des personnages très différents et très bien campés, le petit humour parfois assassin caractéristique de Dumas, et surtout une densité d'intrigue assez déroutante. Dumas ouvrait encore des sous-intrigues et faisait intervenir de nouveaux personnages page 800, ce qui est assez hallucinant quand on sait que tout est lié dans ce bouquin. Les personnages se croisent et se recroisent, leurs actions ayant une influence durable sur les vies de tous les autres.

(La page Wiki du roman propose un schéma de ces relations qui donne un peu le vertige.)

Cette densité pourrait être difficile à suivre si ce n'était pour les petites astuces dumaesques pour rédiger le plus de lignes possible, vu que monsieur était payé à la ligne: quand on retrouve un personnage, Dumas nous rappelle ce qu'il faisait la dernière fois qu'on l'a vu. C'est de la tricherie et c'est peut-être un peu infantilisant, mais c'est bien pratique. Et c'est fait avec le style enlevé et finement drôle de Dumas, donc c'est jouissif.

Malgré cet humour permanent, Monte-Cristo n'est pas un roman très gai. L'effondrement de la vie d'Edmond au moment précis où il touche au bonheur fait réfléchir et met mal à l'aise. Quant à sa vengeance implacable et terrible, complètement démesurée, aux ramifications interminables et horriblement précises, elle est tout simplement angoissante. J'ai eu profondément pitié de ses victimes en voyant l'engrenage se refermer pour les broyer sans qu'elles ne se doutent de rien.

J'avais déjà éprouvé de l'angoisse dans Les trois mousquetaires à cause des agissement de Milady emprisonnée, et la fin violente de La Reine Margot et le bain de sang de La Dame de Monsoreau m'avaient confirmé que Dumas était très fort du côté sombre du roman aussi. Ce roman-ci n'est vraiment pas en reste.

Je regretterai seulement une certaine accélération des évènements sur la fin. Les tout derniers chapitres sont un tout petit peu trop rapides et une ou deux intrigues sont un peu laissées de côté. Mais cela n'a aucunement gâché le plaisir de cette lecture absolument excellente.

Ha, comme toujours chez Dumas, l'invraisemblance atteint des sommets; mais on le sait et on vit ça bien! :)

En bref: un très grand Roman et LE livre de Dumas à lire s'il ne fallait en lire qu'un... C'est vraiment le genre de livre qui vous occupe l'esprit du matin au soir, même quand vous ne lisez pas, et que vous regrettez un peu d'avoir fini... parce qu'il vous manque!

PS: L'exemplaire en photo est l'édition Fabbri proposée à l'achat en kiosque en 2003, que j'ai trouvée à 5€ au Facteur Cheval de Versailles. J'adore.

mardi 23 décembre 2014

Pensée

Quelques minutes au pas tout près du centre équestre, ce n'est rien, et pourtant c'est ce qui justifie tout le reste. Être seules, reprendre son souffle après une séance de travail fatigante mais gratifiante. Les sabots claquent sur le goudron et on entend les changements de vitesse du pas. Mais sur l'herbe, ils deviennent étonnamment discrets. La jument avance avec juste un frôlement. Dans la pénombre d'un 23 décembre à 17h30, la base de loisirs est déserte et on se croirait hors du temps. La sensation qu'on est libres, réellement. Ne pas vraiment voir où l'on va et faire confiance à ses yeux à elle. Prof a dit: "Tant que tu vois les oreilles du cheval, ça va!"

Se dire qu'à défaut d'"enregistrer" ce souvenir comme sur un DVD, il faudra l'écrire sur le blog dans l'espoir que les mots le réactivent un jour, quand il sera nécessaire de regarder en arrière et d'y voir ces moments qui sont ce qu'on appelle le bonheur.

samedi 20 décembre 2014

UGC Culte: Psychose (1960)

Chronique express!


Psychose sur grand écran, c’est vraiment la fête! (Bon, c'est ce que je dis à chaque fois, je sais! Mais bon vive UGC Culte!) J’avais bien aimé ce film en DVD, mais cette fois-ci je l’ai vraiment savouré. Inutile de parler ici de l’histoire, que tout le monde connaît (et les rares qui ne la connaissent pas, il vaut mieux qu’ils voient le film sans la connaître). C’est l’ambiance de ce film qui mérite le détour et qui est la plus réussie: lente et posée, mystérieuse, un peu étouffante, elle démontre une bonne fois pour toutes que c’est en prenant le temps de faire peur que l’on fait peur. Paradoxalement, le personnage que j'ai trouvé le plus inquiétant, c'est le flic aux lunettes de soleil... qui ne fait rien du tout! Tout ceci est délicieusement perturbant et malsain, c’est vraiment jouissif. Du point de vue technique, j’en retiendrai surtout le plan "de haut" de Norman Bates allant chercher sa maman à l’étage, que j’ai trouvé brillant (bien que tout con – vraiment, les choses les plus simples sont souvent les meilleures). Il y a bien des choses qui ont mal vieilli (la scène de la douche notamment – passées les secondes de tension vraiment excellentes, l’apparition du couteau en caoutchouc prête à rire), mais vraiment c’est un super film.

Contrairement à ce que j’ai dit à l’Homme en sortant de la salle, j’ai vraiment bien envie de m’attaquer à la série Motel Bates, qui me fait aussi envie que peur; et j'ai très, très envie de revoir le très sympathique Hitchcock avec Anthony Hopkins, qui raconte justement comment Hitchcock s'est mis en tête de réaliser Psychose.

mercredi 17 décembre 2014

Alexandre (2004)

Je n'ai pas pour habitude de chroniquer les films que je regarde en DVD, mais Alexandre de Oliver Stone m'a tellement surprise que je me suis dit qu'il fallait que je mette quelques idées "au propre".


Je pense avoir vu ce film trois fois. Déjà, je l'ai vu au cinéma lors de sa sortie. Avec Sleepy Hollow, c'est un des films que j'ai voulu voir à cause du cheval! Héhéhé. Il me semble que mon avis était modérément enthousiaste. Je l'ai ensuite regardé en DVD quand on me l'a offert. Puis je pense que le DVD a pris la poussière pendant des années, jusqu'à ce que je me fasse un petit tas de films à, justement, dépoussiérer, et que je le regarde la semaine dernière.

Cette intro non pas pour vous raconter ma vie, mais pour bien souligner que je n'ai pas découvert ce film récemment. C'est le troisième visionnage qui m'a inspiré les réflexions dont je vais vous faire part.

Il me semble que cet Alexandre est typiquement le film plein de bonnes choses à qui il manque cependant quelque chose pour un faire un grand Film...

Bon, pour commencer, précisons que je suis très friande de péplums, et que tout ce qui a trait à l'Antiquité me fascine énormément. En plus, j'aime les films de bataille, alors je suis probablement le public cible de cet Alexandre qui est avant tout un film d'action avec des combat épiques.

Mais j'y ai aussi trouvé un aspect rêveur qui m'a beaucoup touchée. C'est l'idéalisation complète et parfaitement assumée du personnage d'Alexandre le Grand, mais surtout de son rêve, qui lui donne ce petit relief en plus. Comme le dit le personnage d'Anthony Hopkins au début, Alexandre est un colosse parmi les hommes: il rêve, vit et conquiert sur une échelle inimaginable pour les autres. Et la fascination opère. Mais le personnage se révèle aussi fragile et souffrant, plein de doutes et de peurs qui alimentent cette recherche qui n'est en réalité pas exaltée mais complètement désespérée... Un désespoir exprimé symboliquement par la mise en scène de la mort d'Héphaistion, quand Alexandre, perdu dans ses projets, ne réalise même pas que son grand amour est en train de mourir. Utiliser le premier plan et l'arrière-plan est une astuce toute simple mais diablement efficace; c'est vraiment l'apogée émotionnelle du film.


D'un point de vue plus technique, Alexandre est une belle réussite cinématographique. Oliver Stone a su se donner les moyens de la démesure de son personnage. Tous les mondes que traverse Alexandre, plus luxueux les uns que les autres, sont présentés avec soin; je ne sais pas si les costumes et décors sont réalistes, mais ils jouent parfaitement leur rôle dépaysant! L'entrée à Babylone et le parcours de son armée font vraiment ressentir la grandeur de l'époque. D'ailleurs, l'entrée à Babylone m'a rappelé l'arrivée de Cléopâtre à Rome dans le vieux Cléopâtre avec Elizabeth Taylor, même si cette entrée-là est juste unique dans l'histoire du cinéma tellement elle en met plein la vue.

La bataille de Gaugamèles est très réussie: violente et chaotique, elle réussit néanmoins à faire comprendre au spectateur comment Alexandre l'a remportée alors que les Perses étaient beaucoup plus nombreux. Et soulignons un fait rarissime: dans Alexandre, quand les gens se battent, il y a du SANG! Oui, vous avez bien lu, du sang. On a tellement l'habitude des lames propres au cinéma qu'il faut vraiment le dire. Quand Alexandre enfonce son épée dans le ventre de quelqu'un, ça pisse le sang. Quand on coupe la trompe d'un éléphant, ça pisse le sang aussi... Ce n'est pas gore du tout, attention, aucune scène ne vous fera vomir, mais on ne suppose pas avoir affaire à des êtres humains mystérieusement dénués d'hémoglobine.


Je ne peux pas me prononcer sur les détails historiques, mais dans les grandes lignes le film suit le parcours réel d'Alexandre, que je viens de réviser dans une traduction absolument merveilleuse. C'est d'ailleurs ce projet professionnel qui m'a décidée à revoir le film.

En plus, il réunit beaucoup d'acteurs que j'aime, ce qui est évidemment une critique très subjective mais toujours agréable. Val Kilmer et Anthony Hopkins ne sont pas très exploités, mais le personnage de Rosario Dawson a une vraie profondeur le peu de temps qu'on la voit, et surtout Angelina Jolie est très réussie. J'adore cette reine malsaine et rancunière, à moitié folle mais super lucide, tout à fait redoutable. Une mère adorante et castratrice à la fois, qui ne pense qu'à elle mais ne pense en réalité qu'à son fils (ou l'inverse?). Un personnage vraiment complexe et jouissif.


Concluons avec une remarque superficielle mais que je ne peux pas retenir: entre le frison qui joue Bucéphale et Jared Leto qui joue Héphaistion, je n'ai pas arrêté de couiner de plaisir en me demandant lequel était le plus beau!!!!! Hahahaha!



Malheureusement, il y a aussi des bémols dans ce film, et c'est ce qui fait qu'au final il ne semble pas avoir marqué les esprits... Et à mon grand regret je dois dire que Colin Farrell dans le rôle-titre est justement l'un de ces bémols. Déjà, on ne comprend toujours pas pourquoi un film avec autant de moyens a dû recourir à cette ridicule perruque blonde qui ne lui va pas du tout, et qui en plus ne colle pas vraiment avec le Grec qu'est son personnage. Mais surtout Colin joue très mal. En fait il fait surtout la grimace. Alors c'est bien beau de s'extasier sur Babylone et la conquête du monde, mais quand vous en revenez à votre héros et que vous avez de la peine pour lui tellement il a l'air perdu et tellement ses cheveux sont navrants, et bien c'est fort fâcheux.....

L’œil de Val Kilmer n'est pas beaucoup mieux, mais on le voit nettement moins.

(En revanche, Colin Farrell monte vraiment sans étriers tout du long, ce qui est juste vu que les Grecs n'avaient pas encore l'étrier à cette époque, donc RESPECT.)

Pour le reste, Alexandre est aussi un peu moralisateur et cul-cul. Peut-être qu'il fallait beaucoup de bons sentiments pour compenser le sang sur les lames si Oliver Stone voulait pouvoir diffuser son film... Je ne sais pas. De même, c'est bien de montrer l'homosexualité comme une pratique courante parfaitement tolérée par tous, et c'est encore mieux que l'histoire d'amour du film se passe entre deux hommes; mais on ne comprend pas pourquoi Alexandre et Héphaistion se tournent autour toute leur vie sans passer à l'acte. Peut-être que c'est encore une histoire de "peur du public": le film aurait peut-être été interdit aux moins d'un certain âge si deux hommes avaient couché ensemble.

À propos de coucheries, je tiens à préciser que j'ai trouvé Rosario Dawson superbement érotique, dans sa danse d'abord et ensuite quand elle couche avec Alexandre. Avec son serpent le long du flanc et son regard de feu, c'est vraiment une déesse.


Tout ceci pour dire que Alexandre m'a étonnée: plus qu'un film de batailles, mais néanmoins grand public, il mérite vraiment d'être vu pour ses bons côtés, mais présente des éléments médiocres qui font que la sauce ne prend qu'à moitié. Mais comme il me semble me souvenir qu'il est de bon goût de détester ce film, je voulais vraiment en dire du bien: c'est tout de même un blockbuster qui ose prendre quelques risques, et c'est rare!

"The dreamers exhaust us. They must die before they kill us with their blasted dreams."

dimanche 14 décembre 2014

Le Petit Lord Fauntleroy (1886)

Le Petit Lord Fauntleroy de Frances Hodgson Burnett est un peu une lecture cocooning. Vous savez, ces valeurs sûres qui rassurent et font sourire avec indulgence. En tournant la dernière page, vous pourriez presque avoir plus de sympathie pour l'espèce humaine...
 

Cedric, un petit garçon américain, vit avec sa maman à New York pendant les années 1880. Son papa, qui était britannique, est mort. La maman n'a pas beaucoup d'argent et est très triste depuis qu'elle a perdu son mari, mais l'enfant et elle sont tout de même heureux. Puis, un jour, un avocat anglais vient leur annoncer que Cedric est le seul héritier de la fortune et du titre de son riche grand-père. Direction l'Angleterre, alors, où Cedric vivra dans le merveilleux château de son conte de grand-père, tandis que la maman vivra dans une belle maison de campagne. Cedric ne comprend pas bien pourquoi sa maman ne peut pas vivre avec lui au château, mais les adultes ont sûrement de bonnes raisons et il comprendra mieux quand il sera grand.

Franchement, il est assez étonnant que j'aie aimé ce bouquin, mais j'ai vraiment craqué. Car tout ça dégouline de bons sentiments: Cedric est horriblement gentil et tous les autres personnages sont de vraies, bonnes honnêtes gens. Seul le grand-père irascible est potentiellement intéressant, mais en fait lui aussi fond comme neige au soleil sous l'influence de son adorable petit-fils. Mais bon. Avec un style élégant et léger et quelques touches d'humour, et avec le charme totalement désuet de l'époque, c'est vraiment une lecture rafraîchissante. Ça fait du bien de passer un peu de temps avec des gens généreux et honnêtes et de voir les méchants démasqués et punis. Pour une fois, pas de questions à se poser, on comprend dès la deuxième page que tout se terminera pour le mieux et on n'a qu'à se laisser porter par la bonne volonté ambiante.

En plus, la vie de château du petit lord c'est carrément la vie de Downton Abbey et ça ne peut que faire rêver...

Notons que j'ai acheté et lu ce livre sur un énorme malentendu. En effet, dans je ne sais plus quel livre d'Anne Rice, quelqu'un dit à Lestat qu'il est un véritable petit lord Fauntleroy. Et moi, qui ai une piètre opinion de Lestat, j'ai pris ça pour une critique et j'ai cru que le livre du même nom parlait d'un petit garçon richissime gâté à l'excès. Mais pas du tout! Cedric est exactement l'inverse: il est né pauvre et apprécie l'argent à sa juste valeur. Ce qui le caractérise, c'est sa manière de ne voir que le bien autour de lui. Il est le seul à croire dur comme fer que son grand-père est gentil et généreux. Et quand on y pense, Lestat aussi plane parfois dans ce monde où "tout le monde il est beau tout le monde il est gentil", donc la remarque qu'on lui fait n'est pas inappropriée.

Frances Hodgson Burnett est également l'auteur du Jardin secret, un livre que j'ai lu et relu quand j'étais gosse, et – tenez-vous bien – de Princesse Sarah! Hihihi. Vous voyez l'esprit champêtre et optimiste. Du cocooning... Et, quand on y pense, une excellente lecture pour la jeunesse, qui donne au moins un modèle de droiture morale à suivre dans ce monde de tricheurs...

jeudi 11 décembre 2014

Corpus Equi (2013)

Diane Ducret, auteure remarquée de Femmes de dictateur, décrit dans Corpus Equi sa relation avec le cheval de son enfance, Zascandyl. C'était apparemment un très bon cheval. Mais surtout, ils ont vécu le genre de relation fusionnelle dont la plupart des cavaliers ne peut que rêver. Puis la catastrophe s'est abattue: la cavalière s'est blessée durant un concours et le cheval est mort (suite à des coliques me semble-t-il) peu de temps après.


Corpus Equi avait tout pour me plaire. C'est l'histoire d'un retour à la vie après la désolation, quelque chose dont je suis très friande parce que j'ai longtemps désespéré de sortir de la désolation. Et en plus la chute (au sens symbolique; la déchéance si vous préférez, la cause de la désolation) est provoquée par le cheval, en l'occurrence par sa mort, ce qui me parle d'autant plus.

Mais.... Mais Corpus Equi est aussi, malheureusement, un livre de littérature contemporaine qui se veut lettrée et émouvante mais n'est à mes yeux que pompeuse et agaçante. Tout le livre fait le parallèle entre des grandes figures équestres de la mythologie et le parcours de l'auteure, mais cela ne m'a pas fait ressentir de souffle épique comme je suppose que c'en était l'objectif: juste de l'ennui, car j'avais l'impression qu'on essayait de m'impressionner. Et le style m'a vraiment déplu. Il se voudrait lyrique et emporté, mais est surtout maladroit et lourd, et parfois même confus. Par exemple, je n'ai pas compris si Zascandyl est mort le jour même de la blessure de la cavalière ou plus tard...

"Devant l'axe marin des abscisses, mon esprit, libéré des ordonnées, se délectait de cette immensité sans restrictions et mon âme semblait, voile après voile, se dénuder pour y plonger. [...] Cette plénitude insupportable, cette géométrie parfaitement plane criaient l'absence de celui dont le souffle donnait forme au vent."

J'ai trouvé tout ceci bien lourd et un peu immature, quelque part, alors même que je prends le problème de l'auteur absolument au sérieux. Loin de moi de lui dire: "Ce n'était qu'un cheval..." Mais vraiment j'ai eu du mal à ressentir de l'empathie. Parfois, j'ai même douté un peu, comme quand elle cite les changements de pied au galop auxquels elle a dressé Zascandyl quand elle avait onze ou douze ans. Cela m'a semblé bien avancé pour une si jeune cavalière.

Ceci étant, plusieurs passages m'ont touchée vers la fin du livre et j'y ai trouvé quand même un peu ce que j'y cherchais. Cette impression que se relever après être tombé a une valeur intrinsèque et précieuse que ne connaissent pas ceux qui ont la chance de n'être jamais tombés (même si, bien sûr, on prendrait leur parcours sans obstacles si on avait le choix)...

"Quelques tintements et peu de mots annoncent la triste nouvelle, l'autre ne rentrera pas dîner. Et l'on contemple un jour le fond de son assiette avec minutie, pour ne surtout jamais poser le regard sur la chaise vide en face de nous."

Là, voyez-vous, j'ai senti que Diane Ducret savait de quoi elle parlait...

Diace Ducret, Corpus Equi
Éditions Pocket, 115 pages, 5,80€

lundi 8 décembre 2014

Contes fantastiques (1875-1890)

Maupassant est probablement mon écrivain français préféré après Zola. Le fait que j'aie étudié deux fois ses œuvres pendant ma scolarité (en quatrième et à la fac) y est peut-être pour quelque chose, mais c'est surtout son écriture parfaite et incisive, sa maîtrise unique du format de la nouvelle et sa vision du fantastique qui me séduisent.

Le fantastique de Maupassant, en effet, ne met pas en scène de créatures surnaturelles ou de magie à proprement parler, mais "juste" du ressenti et de l'inexpliqué. Une différence primordiale qui amène, en plus de la fascination pour ces choses mystérieuses, la petite inquiétude refoulée que j'aime tant. Parce qu’on ne sait jamais où l’on est exactement, face à quelque chose de tout à fait anormal ou une hallucination, une idée sortie de notre tête; et qu'on ne sait pas vraiment laquelle des deux solutions est préférable. Il est très, très facile de s’identifier au ressenti du narrateur; ici, tous les textes sont à la première personne et, pour une fois, je trouve que c’est un vrai atout pour plonger immédiatement dans le récit. Et avec Maupassant, on sait que la folie n’est jamais loin.


Le recueil Contes fantastiques réunit trente-quatre nouvelles publiées par Maupassant entre 1875 et 1890. Comme toujours, mon idée est qu’il ne faut pas lire les recueils trop vite, de peur de se lasser: même si Maupassant est le roi du format en question, je pense qu’on frôlerait l'indigestion en lisant les trente-quatre d’affilée! Pour ma part, en prenant le temps de savourer mes lectures, je lis du Maupassant tous les ans avec le même bonheur.

Quelques mots sur les textes les plus marquants.

La main d’écorché: Déjà lue au moins dix fois, mais toujours aussi savoureuse. Courte et efficace, cette nouvelle est vraiment *le* texte à lire si on redoute un peu d’aborder Maupassant. Je rêve complètement de m'acheter une main "affreuse, noire, sèche, très longue et comme crispée", moi aussi.

Sur l’eau: L’histoire d’un canotier qui arrête sa barque, une nuit, pour profiter du paysage. Cette nouvelle est vraiment remarquable pour son atmosphère hors du temps/coupée du monde et glaçante. Lue au moins dix fois aussi, je l’adore.

La légende du mont Saint-Michel: Un texte amusant sur la manière dont le Diable et Saint Michel se sont partagé les terres autour du célèbre mont.

La mère aux monstres: L’histoire bien triste d’une femme qui accouche d’enfants plus difformes les uns que les autres, pour une raison épouvantable.

La chevelure: Un autre grand, grand classique qui fait toujours son petit effet. Si un ami vous demande un jour d’aller récupérer des papiers dans sa demeure au fond des bois, soyez prudents. En fait, n'y allez pas.

Sur les chats: Un petit interlude sur ces sympathiques bestioles dans un cadre mystérieux qui fait rêver. À lire absolument.

Le Horla: Une nouvelle qui a fait l’histoire. Encore une que j’ai déjà lue dix fois et dont je ne me lasse tellement, tellement pas! J’adore. Le format du journal intime est vraiment adapté, en outre, pour voir la progression dans la vie de cet homme qui sent un jour une présence dans sa demeure au bord de la Seine. Notons que ce recueil propose la version connue de ce texte, mais aussi une première version écrite quelques années plus tôt. La comparaison est très intéressante.

L’endormeuse: Une nouvelle tout à fait différente des autres. C’est une apologie du suicide. Je l’ai lue en pleine insomnie, vers cinq heures du matin, un jour (enfin, une nuit) où ça n’allait pas fort, et j’en suis sortie assez bouleversée. Mais c’est justement (aussi) pour cela que j’aime Maupassant: il n’avait pas peur de voir l’épouvantable réalité pour ce qu’elle est. Et de dire que, oui, parfois il vaut mieux en finir. "Comme je les ai compris, ceux qui, faibles, harcelés par la malchance, ayant perdu les êtres aimés, réveillés du rêve d'une récompense tardive, de l'illusion d'une autre existence où Dieu serait juste enfin, après avoir été féroce, et désabusés des mirages du bonheur, en ont assez et veulent finir ce drame sans trêve ou cette honteuse comédie."

On le sait et l'extrait ci-dessus le prouve avec brio, les textes de Maupassant ne sont jamais très gais. Contes fantastiques n'est donc pas une lecture légère, mais c'est très certainement une lecture à faire! Si vous aimez les bonnes plumes et les mystères, n'hésitez pas.

vendredi 5 décembre 2014

Conseils d'amie à la clientèle (2009)

Chronique express!


Grosse déception que le deuxième livre d'Anna Sam, auteur des Tribulations d'une caissière. Je suis un peu naïve, mais moi, dans un livre intitulé Conseils d'amie à la clientèle, je m'attends à trouver... bein des conseils à la clientèle. En fait, il ne s'agit pas du tout de ça, mais de tranches de vie d'une cliente faisant ses courses au supermarché. C'est sympathique de voir que je ne suis pas la seule qui se souvient soudain, tout au bout du magasin, qu'elle a oublié de prendre un objet qui se trouve tout au début, et qui décide de renvoyer son achat pour ne pas retraverser tout le magasin. Mais bon voilà. On n'apprend rien. Ce n'est pas très drôle (léger, oui, mais pas drôle). Ce n'est pas très bien écrit. En fait je suis sortie de cette lecture avec une très grande indifférence: je ne vous la recommande donc pas du tout.

Anna Sam, Conseils d'amie à la clientèle
Le Livre de Poche, 160 pages, 5,60€

mardi 2 décembre 2014

Chroniques de San Francisco (1978)

Je pense que ce Chroniques de San Francisco d'Armistead Maupin est un parfait exemple de ce qu'on appelle un choc culturel.


L'histoire est originale et les personnages sympathiques. On suit grosso modo les aventures d'une jeune fille de province, Mary-Ann, qui décide de s'installer à San Francisco pendant les années soixante-dix et se trouve propulsée dans une collocation et même une ville assez barrés. Tout le monde a une vie sexuelle débridée et est plus ou moins un original. L'exemple le plus rigolo: la logeuse accueille les nouveaux arrivants avec un joint. Tous les habitants de l'immeuble, les collègues de Mary-Ann, la famille de son patron, les aventures d'une nuit des uns et des autres sont plus ou moins liés, mais sans forcément savoir que Un Tel est le colloc/le chef/l'ami de Tel Autre...

Donc tout ça est très rigolo et sympathique et attachant. Malheureusement, j'ai eu un mal fou à lire ce livre qui déborde de références et de sous-entendus que je n'ai pas compris.

Exemple
Une fille décrit qu'elle a rencontré une ancienne connaissance, un certain Jerry.
"Gorgeous, in a... you know... Marin kind of way. And I said 'Hi Jerry, who's keeping the houseboat warm?'"
Je ne sais pas qui est ce Marin, ni d'ailleurs même si c'est une personne - j'imagine que c'est un canon de beauté masculine, mais qui sait?? Quant à la question "who's keeping the houseboat warm?", je suppose que c'est l'équivalent de "tu me chauffes la place?" (une manière bien pourrie d'aborder un mec qu'on a pas vu depuis des lustres à mon avis, mais comme la fille se fait plus ou moins recaler après, ça pourrait coller), mais encore une fois, qui sait.

Et c'est comme ça tout le temps! Donc j'ai lu deux fois les cinquante premières pages, puis j'ai décidé d'avancer même si je ne comprenais pas de quoi parlaient tous ces gens. Ce qui est évidemment un désavantage certain pour apprécier une lecture.

Un bilan en demi-teinte, donc. Je pense emprunter la traduction française pour voir comment s'en est sorti le traducteur sur les premiers chapitres, ce sera sûrement une étude comparée passionnante... et formatrice.