lundi 17 septembre 2012

Ivanhoé (1819)

Pendant mes vacances, j'ai relu Ivanhoé de Walter Scott.


J'aime beaucoup ce roman de chevalerie, même si l'intrigue est relativement invraisemblable (comme toujours chez les Romantiques?) et que les dialogues sont un peu pénibles à lire en VO, car tous les personnages parlent en thou et en art au lieu qu'en you et en are (d'ailleurs, si quelqu'un l'a lu en français, je serai curieuse de savoir comment le/la traducteur/trice a rendu ce côté désuet!). Les nombreuses aventures et les personnages vraiment inoubliables (Wamba!! le Chevalier Noir!! et surtout Rebecca!!) compensent largement ces petits bémol et c'est vraiment un bon moment de lecture.

En revanche, je voulais parler ici d'un point bien particulier, qui m'intéresse beaucoup dans ce roman: environ un tiers du livre aborde ou repose sur l'opposition entre Saxons et Normands, du point de vue social ou linguistique.

L'intrigue se passe en 1194, soit un peu plus d'un siècle après que Guillaume le Conquérant ait conquis l'Angleterre en 1066. Les Normands ont occupé tous les postes de pouvoir. Les nobles anglo-saxons, vaincus, sont désormais les vassaux des Normands. Les Normands parlent "français" (entendre: le français parlé à l'époque en Normandie), les autres parlent le old English (qui n'a franchement rien à voir avec l'anglais actuel), une langue germanique. À la longue, le mélange de ces deux langues donnera le middle English, qui évoluera à son tour jusqu'à donner l'anglais moderne.

L'exemple le plus connu de la coexistence de ces deux langues, comme le souligne le fou Wamba dans les premières pages, et comme votre dévouée blogueuse l'avait appris dans son cours d'Histoire de la langue anglaise, est l'existence de deux mots pour désigner un certain animal (tant qu'il est vivant) puis la viande qui en est tirée (une fois qu'il est mort): ainsi, le cochon est un swine, mais sa viande est du pork; et le bœuf est un ox jusqu'à ce qu'il devienne du beef. Tout simplement parce que les Saxons élevaient les animaux, mais les Normands riches les mangeaient.

Exemple de l'opposition sociale entre Saxons et Normands dans le récit: Cédric le Saxon est brouillé avec son fils Ivanhoé, entre autres, parce que celui-ci a décidé de partir aux Croisades à la suite du roi Richard Cœur de Lion (un Plantagenêt et le fils d'Aliénor d'Aquitaine). Or, les Croisades, c'est un truc de chevalier normand, et, aux yeux de Cédric, il n'y a aucune raison pour qu'un jeune noble saxon y participe...

Il semblerait que Walter Scott a forcé le trait et que les tensions étaient largement apaisées à cette époque, mais je trouve néanmoins cet aspect linguistico-politique très intéressant. Il est amusant de penser que les conquérants normands de l'Angleterre se sont tellement bien "fondus dans la masse" que plus personne ne se souvient de cet élément quand on pense à l'identité anglaise actuelle. En revanche, c'est à la même époque que l'Angleterre (enfin, les nobles Normands vivant en Angleterre) a commencé à envahir l'Irlande, et là-bas le "mélange" entre conquérants et vaincus n'a jamais eu lieu, la société étant restée très nettement découpée entre Irlandais parlant le gaélique et occupants anglais.

Voilà, vous savez tout de mes indispensables pensées de linguiste sur le sujet. :)

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