lundi 25 août 2014

Suite française (2004)

Voilà un livre méconnu découvert grâce au billet de Grominou. Et, maintenant que j’ai fini ma lecture, je ne peux que me demander : comment est-il possible que je n’en aie jamais entendu parler avant?


Suite française, gros pavé composé de deux romans, Tempête en juin et Dolce, est en effet un Livre avec un grand L, un récit très bien écrit et qui ne laisse pas indifférent. Irène Némirovsky, Russe blanche émigrée en France après la Révolution, maîtrisait tellement bien le français qu’elle a écrit un livre parfaitement rédigé, avec une richesse et une subtilité rares dans sa rédaction. J’y ai même retrouvé des accents zoliens! S’y ajoute une description très fine de l’âme humaine et de tout ce qu’elle peut produire de bon, mais surtout de mauvais, dans une période sombre et agitée: la deuxième guerre mondiale.

Tempête en juin est le récit de l’exode des Parisiens face à l’approche de l’armée allemande en juin 1940. Sur les routes encombrées, des familles entières fuient avec leurs maigres possessions sur le dos, au milieu des voitures des bourgeois et des lambeaux de l’armée française en déroute, dans l’espoir d’atteindre Tours ou Bordeaux et de fuir les bombardements. Cette foule en plein chaos m’a furieusement rappelé la fuite éperdue des Londoniens dans La Guerre des mondes… Le lecteur suit le périple de quelques personnages, certains touchants, d’autres abjects et égoïstes, tous désemparés par la défaite.

Dolce décrit quant à lui la vie d’un paisible village de province dans lequel est stationnée une compagnie d’Allemands en 1941. Peu d’action ici. On suit le quotidien "banal" de quelques habitants contraints de loger des soldats ou essayant de survivre tant bien que mal, avec la peur permanente pour les hommes prisonniers en Allemagne. Irène Némirovsky dépeint avec encore plus de subtilité le ressenti de ses personnages et a la justesse de présenter les soldats allemands comme des êtres humains: vainqueurs certes, mais humains. On s’attache forcément à l’officier qui loge chez les Angellier et les dernières pages, qui [spoiler] décrivent le départ de sa compagnie pour le front russe, m’ont vraiment serré le cœur.

Suite française aurait dû se composer de cinq romans, mais Irène Nemirovsky, juive de naissance, est morte à Auschwitz en 1942 et n’a donc pas pu terminer son œuvre. Le roman est suivi de quelques extraits de son journal et d’une sélection de lettres et de télégrammes et c’est assez dur de voir son mari se débattre pendant des semaines pour essayer d’avoir de ses nouvelles après sa déportation, alors qu’elle était morte à peine un mois après son départ…

Un livre puissant, dur, sans concessions. Comme chez Zola, difficile de ne pas être révolté par la petitesse de l'être humain, par son égoïsme absolu, sa méchanceté. Mais il y a ici un tout petit gramme d'espoir qu'on a envie de protéger et de conserver pour voir s'il pourrait changer les choses. À lire absolument.

"Il regarde la plaque de marbre où étaient gravés les noms des morts de la guerre… l’autre. Parmi eux des Craquant et des Péricand, des oncles, des cousins qu’il n’avait pas connus, des enfants à peine plus âgés que lui, tués dans la Somme, dans les Flandres, à Verdun, tués deux fois puisqu’ils étaient morts pour rien."

Irène Mémirovsky, Suite française
Éditions Folio, 576 pages, 9,40€

2 commentaires:

  1. Je suis tellement contente que tu l'aies aimé! Ta comparaison avec Zola est tout à fait juste.

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    1. Je suis tellement contente de l'avoir découvert aussi! :) Merci!!

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