lundi 18 mars 2024

Le Rosier de Madame Husson (1888)

Exception faite de la nouvelle Le Tic, que j'ai lue pour la millième fois dans un recueil thématique sur les vampires fin 2020, je n'avais pas lu Guy de Maupassant depuis 2019, lorsque j'avais lu Notre Cœur. Quatre ans et demi sans Maupassant! Drame! Catastrophe! Affreusité!

Par chance, je suis tombée en bouquinerie sur ce recueil de nouvelles qui ne me disait rien, et je l'ai bien sûr acheté. Sorti en 1888, Le Rosier de Madame Husson réunit quatorze textes écrits de 1883 à 1888, qui étaient parus dans la presse individuellement. Le thème de la femme (séduction, adultère, amour, prostitution ou entretien) me semble en être le fil rouge.

Édition Garnier Flammarion de 1976.

Le Rosier de Madame Husson (1887)
Le texte qui donne son nom au recueil ne parle aucunement d'horticulture. 😂 Madame Husson est, à la base, à la recherche d'une rosière, c'est-à-dire d'une jeune fille symbolisant la vertu féminine. Hélas, personne ne satisfait ses exigences dans sa ville, Gisors... Alors, elle décide de nommer un rosier, Isidore, un jeune garçon à la moralité irréprochable. Bien sûr, tout ça va mal finir, et de manière très amusante.

Un échec (1885)
Une tentative de séduction qui se termine en tentative de viol. Charmant. Heureusement que c'est un échec, comme l'indique le titre.

Enragée ? (1883)
Une femme écrit à une amie pour lui faire part de son difficile voyage de noces. Ce texte a quelque chose d'assez drôle, car la pauvre ne comprend pas ce qu'il lui arrive et se fait tout un film sur le fait qu'elle a la rage; mais en réalité, c'est un portrait assez affreux de la découverte du sexe par quelqu'un qui ne sait même pas que le sexe existe. Le thème était déjà abordé dans Notre Cœur et bien sûr dans Une Vie.

Le Modèle (1883)
L'histoire d'un peintre et de la femme qu'il a aimée et prise pour modèle. Je pense avoir déjà lu ce texte ailleurs, mais je ne sais pas où. C'est cruel...

La Baronne (1887)
Une histoire de vente d'antiquités. Très amusante.

Une vente (1884)
Le jugement de deux hommes accusés d'avoir essayé de tuer la femme de l'un d'eux en la noyant dans un tonneau. Les ravages de l'alcool!! 🤣🤣

L'Assassin (1887)
La plaidoirie d'un avocat défendant un homme qui a tué son patron. Et pourquoi? Parce qu'il était un homme trop vertueux, en quelque sorte!

La Martine (1883)
Une triste histoire à la campagne. Un homme simple et, a priori, pas mauvais, tombe amoureux d'une jeune femme qui lui rend son amour. Hélas, on la marie à un autre...

Une soirée (1887)
Un soldat en permission se rend chez sa sœur à Vannes, dans l'espoir de lui soutirer de l'argent. Hélas, rien ne va se passer comme il l'espérait.

La Confession (1884)
Lol lol lol. Un homme très vertueux, tiraillé de remords, confesse avoir trompé sa femme. Mais à qui ne se confesse-t-il pas... 🤣

Divorce (1888)
Un notaire trouve sa future épouse dans les petites annonces d'un journal. En fait, les annonces de rencontre existaient déjà au XIXe!

La Revanche (1884)
Une pièce de théâtre durant laquelle un homme parle de son ex-femme, dont il a divorcé. Et voilà que ladite ex-femme passe par là... Le contenu sexuel est vachement explicite et pose question pour un lecteur moderne! 🤮

L'Odyssée d'une fille (1883)
Le texte le plus poignant du recueil, dans lequel un narrateur anonyme relate l'histoire désolante que lui a racontée une prostituée l'ayant abordé pour lui proposer ses services. C'est Pretty Woman mais en affreux, et sans happy end.

La Fenêtre (1883)
Un homme fort amoureux accepte de se rendre chez la femme qu'il aime, qui souhaite le connaître mieux avant d'accepter – ou non – ses avances. Sauf que la frustration s'installe, alors il couche avec la domestique...

Bien qu'il ne contienne aucun texte majeur – sauf peut-être L'Odyssée d'une fille, qui brosse un portrait effroyable du destin d'une femme dans un monde d'hommes –, j'ai lu ce recueil avec grand plaisir, parce que Maupassant était bon même quand il n'était pas à son meilleur. Quel grand écrivain!

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mercredi 13 mars 2024

Billie (2013)

Chronique express!

Avec une couverture pareille, à savoir un ânon courant dans un champ en fleurs, j'ai repéré Billie d'Anna Gavalda dès sa sortie, en la lointaine année 2013. Sauf que, comme souvent, il m'a fallu plus de dix ans pour croiser son chemin en occasion à un moment où j'avais un peu d'argent à investir (cinq bouquins pour 13 ou 14€: les bouquineries sont bien le seul endroit, avec Emmaüs, où je peux passer à la caisse sans avoir de sueurs froides). J'ai beaucoup aimé ce récit très vivant, raconté à la première personne par Billie, une jeune femme qui, suite à une chute, se retrouve au fond d'une crevasse perdue dans les Cévennes avec son meilleur ami inconscient et qui s'adresse aux étoiles en attendant que quelqu'un finisse par les retrouver. Ce garçon et elle ont tous deux vécu une enfance difficile, voire plutôt effroyable dans le cas de Billie, et leur rencontre en classe de 3e, lors d'un cours de français consacré à On ne badine pas avec l'amour de Musset, leur a en quelque sorte sauvé la vie. C'est beau et humain, ça ne manque pas de verve et ça se lit tout seul: un roman parfait pour moi qui manque de temps pour lire, et une confirmation qu'Anna Gavalda mérite le succès qu'elle rencontre (même si, bon, les ânes sont peu présents dans ce livre, la couverture est donc quelque peu mensongère!).

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Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part (1999)
L'Échappée Belle (2001)

vendredi 8 mars 2024

Trois contes (1877)

Étant toujours à la recherche de livres courts, que je peux avoir l'espoir de lire en moins de dix jours, j'ai fini par repêcher dans ma bibliothèque ces Trois contes de Gustave Flaubert, auteur dont j'ai relu l'année dernière l'excellentissime, l'incontournable Madame Bovary. J'avais déjà lu ce recueil il y a une dizaine d'années, mais je n'en gardais aucun souvenir.

Un cœur simple

La nouvelle inaugurale est la meilleure; elle raconte la vie d'une domestique normande, Félicité, qui passe toute sa vie au service de Madame Aubain à Pont-L'Évêque. Le ton est assez détaché, mais c'est plutôt triste: une vie de province, avec quelques attaches sentimentales, mais surtout la solitude et des chagrins. Il y un perroquet et il est important, ce qui justifie la couverture de cette édition Folio Classique.

La Légende de Saint Julien l'Hospitalier

Un conte étrange, médiéval dans son contexte et la manière tout à fait naturelle par laquelle le merveilleux s'invite dans le quotidien. C'est l'histoire d'un jeune noble passionné de chasse, dont la vie est bouleversée par une prophétie et qui deviendra Saint Julien l'Hospitalier.

Hérodias

Ce troisième et dernier conte nous mène à la cour d'Hérode Antipas. Tétrarque de Galilée au Ier siècle de notre ère, l'homme est mariée à Hérodias, qui donne son titre au texte, et il a dans ses prisons un prédicateur portant le nom de Jean, passé à la postérité sous le nom de Saint Jean Baptiste. En gros, on découvre ici comment Hérodias obtient, grâce à la danse lascive de sa fille Salomé, née d'un premier mariage, la décapitation du prédicateur; mais, très franchement, j'ai trouvé le tout très confus, d'une part parce que les relations familiales et politiques sont complexes et d'autres part parce que la rédaction est peu claire.

Cette relecture a donc été en demi-teinte: Un cœur simple est chouette, bien que triste; La Légende de Saint Julien l'Hospitalier se lit bien mais n'est pas marquante; et Hérodias m'a laissée sur le carreau. Moralité: lisez plutôt Madame Bovary. 😊

dimanche 3 mars 2024

La gamelle de février 2024

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé, qui a été un peu plus court que les autres, mais bien rempli et très enthousiasmant.

Sur petit écran

Pas de film.

Sur grand écran

Le Journal de Bridget Jones de Sharon Maguire (2001)

Une très belle redécouverte grâce à une sélection spéciale Saint-Valentin. J'avais vu ce film il y a fort longtemps, mais je ne me souvenais de rien à part du costume de lapine. Il est très drôle et réconfortant, et il y a une minute Céline Dion au début!! 😊 Et il est assez amusant de voir qu'il est interprétable aussi bien comme un énième film entretenant le patriarcat que comme un film féministe. 

Creation of the Gods I: Kingdom of Storms de Wu Ershan (2023)

Ohlàlà! Ohlàlà! Ohlàlà! Du sword and sorcery chinois! Des méchants très méchants, un univers impitoyable ("Si tu aimes tant ton fils, tu devrais le reconnaître" 😱), des chevaux, des batailles, des épées, de la magie! Je me suis ré-ga-lée! J'ai mangé du popcorn avec un sourire béat sur le visage! Le film n'a été diffusé en France que deux jours: quelle chance que mon cinéma l'ait passé! Ohlàlà! J'espère que les suites sortiront en France si elles voient bien le jour comme prévu!!! Ohlàlà mais ohlàlà!!! 🤩🤩🤩 

Argylle de Matthew Vaughn (2024)

J'ai beaucoup rigolé devant ce film qui mélange adroitement la réalité de la protagoniste, une écrivaine mettant en scène un espion à la Mission Impossible ou à la James Bond, et les aventures de son personnage, l'agent Argylle, joué par un Henri Cavill aussi merveilleux qu'à l'ordinaire. La deuxième partie est bien trop longue, mais c'était un super moment. Et il y a John Cena! (Si vous ne connaissez pas John Cena: c'est un catcheur qui joue dans Bumblebee et qui joue une sirène dans Barbie. Très important, qu'il ait joué une sirène dans Barbie.) Et aussi fou que ça puisse paraître, Bryce Dallas Howard est plutôt ronde et ce n'est pas un sujet. C'est merveilleux.

Pretty Woman de Garry Marshall (1990)

Comme Le Journal de Bridget Jones, ce fut une très belle redécouverte qui m'a mise de super bonne humeur – même si Bridget Jones est plus axé sur la comédie et me parle plus d'un point de vue générationnel – et interprétable aussi bien comme un énième film entretenant le patriarcat que comme un film féministe. Je trouve ça assez époustouflant. Je vais chanter "Prettyyyyy Wooooomaaaaan walkiiiiiing doooown the streeeeeeeeeeets" pendant des mois. 🎶🎶

Chien et Chat de Reem Kherici (2024) 🐶😼

Pour la première fois de l'année, le niveau descend! Et même qu'il disparaît tout court, en fait. 😂 C'était bien nul et lourd, mais ce qui m'a vraiment chiffonnée, c'est le sketch sur la protagoniste féminine qui enlève son soutien-gorge en prison tandis que deux surveillants la matent sur leur écran en mangeant un cookie. Sérieux, ce genre d'humour dans un film destiné à des gosses... Heureusement, il y avait aussi des choses drôles, et la chatte star des réseaux sociaux était sympathique. (Et je précise qu'on m'a proposé d'aller voir ce film. Malgré la présence d'un chat, je n'avais pas prévu d'y aller, moi! 😇)

La Zone d'intérêt de Jonathan Glazer (2023)

Ce plan continue de susciter en moi une sensation d'irréalité totale...

Malgré une bande-annonce éminemment sinistre, je suis allée voir ce film qui aborde le sujet des camps d'extermination nazis par un angle original: la vie quotidienne et, disons-le, bucolique, de la famille du directeur d'Auschwitz. Le film n'est pas aussi sinistre que la bande-annonce le laisse penser, mais garde une certaine tension; je m'attendais sans cesse à tomber sur un cadavre ou à assister à un massacre. Au final, aucune violence n'est visible, l'horreur se nichant toujours dans l'arrière-plan, qu'il soit visuel ou sonore (par exemple, des coups de feu retentissent au loin, sans que cela n'influence les personnages filmés). Je ne suis donc pas étonnée que le film soit nominé aux Oscars pour le meilleur son. En revanche, je n'ai pas compris un certain nombre de choses, et la fin, notamment, m'a laissée assez perplexe.

Du côté des séries

J'avance lentement, mais sûrement, la saison 3 de Dinosaures.

Et le reste

J'ai lu le numéro de janvier du Monde Diplomatique – ironie mordante: leur article creux et limite conspirationniste sur les réelles intentions, forcément secrètes et égoïstes, des activités culturelles d'Édouard Leclerc m'a fait découvrir que les supermarchés Leclerc ne sont pas cotés en bourse, ce qui est un argument très fort pour me pousser à faire mes courses chez eux 🤣 – et le numéro de mars de Cheval Magazine.

Et vous, comment s'est passé votre mois de février?

mardi 27 février 2024

Pourquoi être heureux quand on peut être normal (2011)

Chronique express!

J'ai repéré cette autobiographie de Jeanette Winterson chez Vert puis chez le Dragon galactique et j'ai profité de la possibilité de l'emprunter à cette dernière pour la lire. Malheureusement, ça n'a pas pris du tout. Il y a certes un intérêt indéniable à plonger dans une ville du nord de l'Angleterre pendant les années soixante et soixante-dix, car ça fait relativiser le modernisme de l'Occident. Par exemple, quand Jeanette Winterson était petite, les toilettes étaient dehors. Je trouve que la partie du monde qui se considère comme le summum de la civilisation a, collectivement, bien oublié que certains logements n'avaient pas de toilettes en intérieur il y si peu de temps. J'ai aussi apprécié que l'autrice souligne que l'Église très rigoriste dont faisait partie sa mère était à la fois capable d'interdire tout plaisir ET de réunir des gens très gentils qui partageaient d'authentiques bons moments en faisant des pique-niques, ce qui met un peu de nuances dans un milieu souvent présenté comme monolithiquement négatif. Et à la fin, la recherche de sa mère biologique est assez prenante.

Mais dans l'ensemble, j'ai trouvé que le propos était affreusement déprimant, et ce d'une manière défaitiste qui empêchait d'en tirer quoi que ce soit: Jeanette Winterson a été adoptée par une femme pleine de névroses et odieuse et par un homme plus qu'effacé, son enfance a été horriblement malheureuse, on l'a punie pour son homosexualité, personne ne lui a donné d'amour alors elle n'a jamais appris à en donner, elle est devenue à son tour une femme au caractère colérique et épouvantable, mais c'est en quelque sorte inévitable vu les éléments précités... En gros, je n'étais pas du tout pressée de la retrouver jour après jour. Le livre est traduit de l'anglais par Céline Leroy, que je n'envie guère d'avoir passé un certain temps au contact le plus étroit possible avec cette autrice (🤣), mais qui s'en sort tout à fait bien.

Allez donc voir ailleurs si cette normalité y est!
L'avis de Shaya
L'avis de Tigger Lilly
L'avis de Vert

jeudi 22 février 2024

A Psalm for the Wild-Built (2021)

Une nouvelle série par Becky Chambers, c'est bien sûr un événement pour celles et ceux qui apprécient cette autrice! J'ai la chance d'avoir un ami qui a du goût et qui m'a offert les deux romans de la série Monk & Robot. (Je croyais qu'il y en avait trois en tout, mais non. Snif.)

Le premier, A Psalm for the Wild-Built, raconte l'histoire de Dex. Dex est moine de son état, mais son quotidien ne lui parait plus satisfaisant, pour qui sait quelle raison. Alors, Dex décide du jour au lendemain de se consacrer au thé. Ces moines-là vont de village en village, proposent du thé en fonction de ce que le client leur raconte et prêtent une oreille attentive à ses problèmes. En gros, leur travail est à mi-chemin entre la cérémonie du thé et la séance de psy. J'ai adoré le concept!

Dex excelle dans ce travail, mais la sérénité ne vient pas pour autant... Alors, un jour, face à l'appel d'un monde inconnu, Dex décide de quitter la route menant au prochain village et de passer dans les terres sauvages, celles que l'humanité a laissées aux autres espèces après un grand changement de civilisation.

Et là, Dex tombe sur un robot.

Ce court roman – une novella, je suppose – ou un gros Amélie Nothomb pour prendre les romans de cette autrice belge comme unité de mesure – est délicieux. Déjà, ça commence avec un personnage qui fait du thé pour remonter le moral des gens, ce qui est quand même extraordinaire. (On pourrait limite s'étonner qu'il n'y ait pas une vague de démissions et d'ouvertures de salons de thé ambulants dans la foulée de la publication!) Ensuite, Becky Chambers brasse comme toujours quantité de thèmes importants qu'elle tisse au quotidien de ses personnages: rôle de chacun dans la société, sens que l'on peut donner à sa vie, rencontre de l'autre quand il est résolument différent de soi. Et elle donne à voir un univers où les choses se passent mieux que dans notre monde. J'adore. J'adore. J'adore. J'adore les gens qui réfléchissent aux alternatives au lieu de critiquer avec aigreur. C'est tellement facile de critiquer et c'est tellement efficace pour se donner bonne conscience et prendre la pose, mais réfléchir à un monde enviable et nous prendre par la main pour nous y emmener, c'est tout à fait autre chose.

Vous avez peut-être remarqué que j'ai beaucoup écrit "Dex" dans ce billet. En effet, j'ai cité le nom du personnage de multiples fois au lieu de le remplacer par un pronom. Cela est dû au fait que ledit personnage n'est pas genré en anglais. Le pronom utilisé pour en parler est "they", un point grammatical très utile pour ne pas se prononcer précisément sur une personne. Pour ma part, j'ai clairement vu notre protagoniste comme un homme, sans doute en raison de son statut de moine et de ses robes orangées ou rouges qui m'évoquent les moines boudhistes, tous des hommes. Mais j'ai bien pris garde à tourner toute cette chronique pour ne jamais dire "Dex est content", "Dex est contente" ou (horreur à laquelle je ne m'habituerai probablement jamais) "Dex est content.e". Notez, par exemple, que je n'ai pas écrit "Dex, un moine, fait tel truc", mais "Dex, moine de son état, fait tel truc". 💡 Qu'est-ce que la traductrice française, Marie Surgers, a dû galérer pour tenir l'exercice sur tout un roman et pas juste sur une courte chronique... 😅

Je me réjouis de lire la suite. Pas tout de suite, pour faire durer le plaisir de l'attente. Mais je me réjouis.

#BeckyRules

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L'avis de Baroona
L'avis de Grominou
L'avis de Yuyine

samedi 17 février 2024

Les Prénoms épicènes (2018)

Chronique express!

Attablée dans un café, Dominique est abordée par un parfait inconnu, un certain Claude, visiblement tombé sous le charme. Ils se fréquentent et ne tardent pas à se marier et à quitter leur province pour Paris, où Claude est chargé du développement de sa société. Le mariage se révèle vite très creux, mais Dominique se console grâce à sa fille, nommée Épicène. Épicène constitue l'élément le plus remarquable de ce roman (fort court, comme toujours chez Amélie Nothomb): elle est ultralucide dès son plus jeune âge et ultra-intelligente, et elle voit son père pour l'enfoiré qu'il est et le déteste. Je l'ai donc adorée. 😊 L'intrigue est en réalité axée sur autre chose, dont je ne parlerai pas ici pour ne rien divulgâcher (petit reproche: la réponse à l'énigme étant dans les trois premières pages, je trouve que le roman est trop facile à deviner, mais peut-être que l'autrice ne voulait aucunement en faire un roman à mystère ou à suspense, en fait, et que ça lui allait très bien comme ça), mais c'est bien cette charmante Épicène qui m'a marquée. J'aime bien Amélie Nothomb pour l'espèce de cruauté mordante et gentille à la fois (oui, c'est paradoxal, je sais!) avec laquelle elle observe le monde, ainsi que pour sa verve littéraire et ses dialogues délicieux. Tout est réuni ici pour en faire un Nothomb qui ne brille certes pas autant que Hygiène de l'assassin, mais qui se défend fort bien dans sa bibliographie!

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lundi 12 février 2024

Du Rififi à Wall Street (2020)

Dans Roman américain, Antoine Bello mettait en scène un journaliste, Vlad Eisinger, qui abordait dans ses articles la pratique du life settlement. Dans l'avant-propos de Du Rififi à Wall Street, ce même Antoine Bello, qui figure en couverture comme simple traducteur, nous annonce qu'il a reçu le présent manuscrit, inachevé, par mail de la part de son ami Vlad Eisinger sans un mot d'explication. Perplexe, il a essayé de le contacter, seulement pour découvrir que Vlad est porté disparu depuis quelques jours. Il en est donc venu à la conclusion que celui-ci l'a désigné comme exécuteur littéraire et souhaite que le présent roman (inachevé, donc) soit publié même si l'auteur a disparu des radars.

Donc. Antoine Bello, qui existe réellement (enfin, je crois 😅), nous annonce que c'est son ami Vlad Eisinger, qui est pourtant un personnage d'un de ses romans, qui lui a envoyé le présent roman. Et c'est sous le nom de celui-ci que Gallimard le publie, Bello n'étant crédité qu'à la traduction. C'est délicieusement "belloïen", car cet auteur, pour le peu que j'en ai vu, aime bien brouiller les pistes entre réalité et invention.

Le roman en question est écrit à la première personne. Vlad Eisinger y raconte comment, après avoir lâché le journalisme pour se consacrer uniquement à l'écriture et avoir échoué à en tirer un revenu digne de ce nom, il accepte d'écrire la biographie du patron d'un gros groupe télécom. Ce projet ne l'intéresse guère, mais a le mérite d'être payé, ce que son agente trouve tout particulièrement intéressant. Sauf que Vlad a très envie d'inventer quelques trucs dans cette biographie. Effaré, le patron met fin au projet. Furieuse de ce sale coup que Vlad lui a joué, son agente le place sur un autre projet: écrire un polar très codifié pour une collection pas très raffinée. Là aussi, le projet a le mérite d'être payé, ce qui permet à l'agente de se rémunérer (et pas qu'un peu 👀) malgré l'échec du projet de biographie.

Et là, Vlad a une idée: il va écrire l'histoire d'un écrivain fictif, Tom Capote, qui est embauché pour écrire la biographie d'un gros patron – mais dans un tout autre domaine, le pétrole –, découvre qu'il y a des entourloupes au sein de la société dudit patron et va devoir échapper aux tueurs lancés à ses trousses.

Le roman alterne donc entre le récit de Vlad, qui décrit son processus créatif et commente son travail, et des extraits du roman qu'il écrit.

"Ma prose, lourde et sans vie, me renvoyait au constat accablant de ma médiocrité. Et quand, par miracle, une phrase trouvait grâce à mes yeux, il me suffisait d'ouvrir Flaubert ou Kafka pour mesurer ce qui me séparait du véritable talent."

(Ouhouh, c'est l'histoire de ma vie, ça!)

J'ai lu l'essentiel de ce roman par une nuit d'insomnie monstre – je me suis réveillée vers 1 h 20 et j'ai vérifié l'heure pour la dernière fois à 5 h 10, après quoi je me suis enfin endormie 😅 – et je l'ai trouvé absolument passionnant. Le fait que Vlad écrive un roman sur une histoire tirée de sa propre expérience est très amusant, le processus de création d'un roman qu'il juge à la base très bas de gamme est à la fois prenant et amusant, il y a de l'humour, les petites combines toujours parfaitement légales des entreprises sont édifiantes, et bien sûr la frontière entre réalité et fiction se brouille encore plus à la fin – car le roman de Vlad a un succès fou, suite à quoi Vlad commence à avoir des ennuis ressemblant étrangement à ceux de son personnage, Tom Capote!! Et bien sûr, la question du début demeure: pourquoi a-t-il fini par écrire un roman sur son roman et par l'envoyer, inachevé, à son ami Antoine Bello?

Bien que j'aie préféré Roman américain, ce Rififi à Wall Street était un pur régal, un jeu avec le lecteur parfaitement maîtrisé. Antoine Bello (s'il existe réellement! 😂) est décidément très, très fort!

Autres romans de l'auteur déjà chroniqués sur le blog
Roman américain (2014)
Ada (2016)

Allez donc voir ailleurs s'il y a du rififi ailleurs qu'à Wall Street!
L'avis de TmbM